Par María Elena Sota
Journées de célébration du 30ème anniversaire de l’ICHPA[1], Santiago, novembre 2019
FRAGMENTS
Là où est le danger : grandit aussi ce qui (nous) sauve – Friedrich Hölderlin.
J’ai trois blessures : celle de la vie, celle de la mort, celle de l’amour – Miguel Hernández.
Nos véritables maîtres fondamentaux, ce sont nos patients – Marcel Czermak.
Toute historisation est une reconstruction. L’historisation du névrosé organise une cohérence dans le roman qu’il se raconte – Danièle Brillaud.
Devant ce nouveau titre pour inaugurer ces journées[2], je me suis dit : pourquoi pas ?
Notre travail, notre vie est dans le monde. Nous ne pouvions pas rester étrangers dans nos présentations, nos dires, à ce que nous sommes tous en train de vivre : ce temps bizarre, distinct de l’habituel, où nous avons du mal à nous situer dans le temps : quel jour sommes-nous ? Il nous arrive de ne pas savoir si nous sommes dans la vie que nous appelons réelle (réalité) ou bien dans un film. Il a été dit « Le Chili s’est réveillé ». Sans doute se réveiller d’une léthargie mais pour rentrer de plain-pied dans ce qui ressemble à un cauchemar face à l’angoisse qui nous assaille. Mais ce n’est pas un tout-cauchemar, il est peuplé de lumières, de couleurs. Je pense au Printemps. Tout ce mouvement social dans notre pays se déroule en plein Printemps, une poussée pleine de force verte et multicolore dans nos jardins, dans nos places, dans nos rues. Je me suis dit plus d’une fois ces derniers jours : nous sommes tellement bousculés, par moments désorientés, tellement perturbés et … la Nature elle, semble suivre son cours inexorable : les roses, les jasmins, les lis, les mauves, les dés d’or dans toutes leur splendeur. Oui, mais nous savons que nous, les humains, perturbons et mettons en danger la Nature elle-même. Cela a été mis en évidence ces jours-ci comme une dimension dont il est urgent de s’occuper. Puis, je me suis souvenue d’autres temps, de moments historiques : Paris dans ce mois de Mai du Printemps 1968, le Printemps de Prague la même année et plus récemment ce que l’on a appelé le Printemps Arabe et certainement d’autres que j’oublie ou que je ne connais pas. Les printemps et leur force de transformation, de renouveau. Qui dit Printemps, dit vie, vie en contrepoint de la mort. Cela me paraît pertinent de nous situer là.
L’histoire. Il est important de la garder à l’esprit pour qu’elle nous enseigne, pour que nous soyons un peu humbles et ne pas croire que nous avons inventé la poudre à canon ! La poudre à canon ! Les mots vont et résonnent.
Et se pose la question avec la psychanalyse : est-il possible d’apprendre ? Ou sommes-nous condamnés à répéter ? Je m’engage : je pense qu’il est possible d’apprendre mais cela demande un travail permanent, avertis que le déni peut opérer et que poussent en nous des forces antagonistes ; que le travail que suppose la relation à l’autre, l’autre en tant qu’il m’est distinct, est énorme, énorme.
En ce moment même, pour préparer ma présentation je me suis mise à lire et j’ai découvert mon ignorance – une des passions humaines, nous apprend Lacan. Mon ignorance au sujet de l’histoire même de la psychanalyse dans mon pays. J’y reviendrai plus tard. Histoire officielle, histoires. J’avais mes petites références, pensant qu’elles me suffisaient pour me débrouiller. Mais non, étudiant, motivée par l’invitation à cette rencontre, ma perspective s’est élargie. Cela m’a donné un bol d’air et de joie, même si parfois ça m’a laissée perplexe. Ces jours-ci je réfléchissais à la façon dont les stations de radio que je choisis d’écouter et la presse que je lis, influencent ma façon de voir les choses. Évidemment, mais en des moments comme celui-ci, ceci devient plus patent. Comment ? Quoi ? Vous ne saviez pas ? Le parti pris.
Il y a ce qui se passe dans les groupes WhatsApp : est-ce que je quitte le groupe ? Ou est-ce que je reste malgré les désaccords ?
Lacan, dans une de ses phrases célèbres et provocantes, disait : la communication n’existe pas. Et pourtant ! Nous n’avons pas d’autre choix, car seuls nous ne pouvons exister et parler, parler à quelqu’un, parler avec quelqu’un peut apporter du plaisir. Écouter quelqu’un peut apaiser. Freud disait « il y a plus de lumière quand quelqu’un parle ». Cela suppose de se rendre disponible pour écouter. Se préparer. Faire le silence dans sa tête pour entendre peut être quelque chose de nouveau. C’est tout un travail.
Cependant nous avons tous une limite à ce que nous pouvons écouter, à ce que nous pouvons entendre, à ce que nous pouvons lire. Nous le savons en tant qu’analystes. Seulement ces jours-ci, cela apparaît plus crûment.
Un peu de tout ça et beaucoup d’autres choses se sont passées ces derniers temps. Il est très difficile de vivre dans un état d’urgence. Il nous faut sortir de notre zone de confort. Il nous roule dessus comme une vague de l’ainsi nommé Océan Pacifique. Ça nous oblige à ouvrir nos yeux et nos oreilles. Alertes.
Cependant, nous pouvons, nous pouvons si nous le voulons, le prendre comme une opportunité. S’arrêter et regarder une nouvelle fois.
Lacan, en pleine période de guerre en Europe – on peut penser dans une tentative de réfléchir sur les sorties possibles de cette horreur – a posé ce qu’il a appelé le temps logique. Il a distingué l’instant du regard, le temps pour comprendre et le moment de conclure, ce qui doit conduire à un acte. Lacan situe ce déroulement du temps, incarné chez trois personnes qui se trouvent ensembles face à un dilemme : la possibilité de sortir de prison. Il s’agit d’un processus collectif et non d’un sujet isolé, faisant entendre que personne ne peut s’en sortir (se sauver) seul. Cet enseignement m’a accompagné ces jours-ci, où ce qui existait au départ était un temps d’action : des actes débridés, des réponses, des réactions quasi automatiques et grandement disproportionnées. Un renversement dans ce temps « logique ». Je pense que comme dans toute crise, le temps est sens dessus dessous.
Or aujourd’hui, le 6 novembre, un patient m’a dit, comme s’il m’avait lue : « c’est pas nécessaire de comprendre d’abord, on peut comprendre à mesure que nous participons ».
Dialectique du sujet et de la foule.
Temps d’un collectif qui manifeste, qui agit. Puis, puis ? Déjà le temps linéaire ne me convainc plus … les sujets, chacun comme il peut face aux faits, chacun comme il arrive à voir. Sujets affectés, qui sentent, se souviennent, essayant de penser… « entre ce que disent mon mari, mes parents, mes amis, où suis-je ? » me disait avec beaucoup de douleur une patiente.
Ensuite nous avons été invités par les citoyens eux-mêmes à nous réunir cette fois-ci non plus pour agir, mais pour parler : dire et écouter dans les Cabildos[3]. Peut-être nous nous retrouvons là avec la parole comme acte, pour prendre la parole. Aujourd’hui, 30 octobre, nous sommes toujours convoqués comme citoyens pour marcher mais aussi à prendre du temps pour nous réunir avec d’autres et dialoguer, proposer des chemins, nous accompagnant. Un second temps. Temps et lieux distincts qui peuvent s’articuler.
Aussi dans nos lieux quotidiens, dans les files qui se sont constituées les premiers jours devant certains magasins ou supermarchés, les gens se sont mis à parler. Une patiente m’a dit « tous les gens conversaient ». Converser c’est un beau mot.
À l’époque de WhatsApp où il semble que nous sommes habitués à « converser » virtuellement, aujourd’hui de manière surprenante nous nous sommes remis à nous parler, cette fois-ci en regardant le visage de l’autre. Dans les Cabildos ou lors de rencontres spontanées de la vie de tous les jours dans ce temps exceptionnel, dans le micro tendu à un citoyen à la radio ou sur nos places, la parole à la première personne émerge et me rappelle le film La Batalla de Chile[4] de Patricio Guzman. Il y recueillait la parole de ceux qui durant des siècles n’avaient pas eu le droit à la parole. Un patient m’a dit : « la dignité légitime des personnes ».
Dans le titre de cette table ronde apparaît le mot « conflit ». Je dirai que ce signifiant est dans le noyau de la psychanalyse. Ainsi nous l’a enseigné Freud dès le premier jour. Je ne vais pas décliner le mot conflit dans les différents domaines dans lesquels il se manifeste dès le début de la vie. C’est ainsi, les conflits nous gênent toujours. Il faut prendre parti, il faut choisir, il faut céder. Oui, mais jusqu’où ? Parfois le conflit nous déborde, nous surprend, nous éclate[5] au visage. Comme maintenant.
Le groupe auquel j’appartiens, le Grupo PLUS, avait mis au point quelques jours de travail avec une collègue psychiatre psychanalyste venue de France, Danièle Brillaud. Les journées auraient dû commencer à Santiago le lundi 21 octobre. Un séminaire pour les participants qui assistent habituellement à nos activités et deux activités en extension dans des lieux publics. Mais le conflit social a éclaté. Que faire ? Tout annuler ? Se cloîtrer dans notre local et travailler comme si de rien n’était ? Nous avons décidé – ce ne fut pas sans effort – de travailler avec notre collègue, ceux qui voulaient, ceux qui pouvaient, dans un va et vient permanent entre l’échange d’informations à propos de ce qui se passait, la prise de position et l’étude, la transmission d’un enseignement qui parle de quoi ? Du sujet avec son propre malaise. Les modalités de notre travail ont changé. Nous avons dû suspendre les activités en extension. Mais nous n’avons pas tout suspendu. Notre manière de contribuer à notre société a été de rendre possible, d’une certaine manière, la circulation de la pensée psychanalytique, qui peut enrichir l’approche du Réel qui nous affecte tous y compris le Réel cru actuel.
Le conflit social qui nous concerne. Pour la première fois depuis plusieurs années dans notre pays, les différents groupes analytiques ont fait entendre leur voix et ont pris parti. Ils ont risqué leurs mots écrits devant l’ensemble de la société. Une psychanalyse non aseptique.
Je suis sûre que Freud nous soutient en cela.
Je pense à l’Église comme institution et à son silence ces jours-ci. L’Église catholique a joué un rôle fondamental pendant la dictature avec sa parole de dénonciation de l’inacceptable et avec ses actes de défenses des persécutés. Aujourd’hui, en raison de ses propres scandales en relation à de graves abus, elle a perdu son autorité morale. Heureusement nous avons pu lire des déclarations de certains prêtres qui, en leur nom propre, prennent position pour protester devant les inégalités et l’humiliation, l’atteinte à la dignité des personnes. C’est un aspect important il me semble : quand l’institution ne s’engage pas, il y a des personnes, des sujets qui un par un se positionnent et s’expriment d’une manière ou d’une autre. Je pense que cela nous donne à penser, à nous comme analystes.
Aujourd’hui il nous incombe et c’est à notre tour, d’ouvrir de nouveaux espaces pour que les personnes qui en ce moment sont les plus vulnérables puissent être écoutées et accompagnées dans leurs réflexions sur ce qu’ils ont vécu. C’est une tâche que de nombreux analystes, un par un et en tant qu’institution, assument.
Et dans notre travail quotidien, continuer à recevoir nos patients. Pour leur donner et soutenir leur parole. Comme ils peuvent. Souvent trébuchante, avec des mots et des voix qui nous surprennent, qui nous touchent, aussi bien à eux comme à nous. Différents patients m’adressèrent des mots comme ceux-ci « pardonnez-moi mais vous, comment allez-vous ? » question à laquelle j’ai chaque fois répondu.
J’ai eu ces derniers jours l’opportunité extraordinaire d’assister au déploiement des processus du printemps chez mes patients ! Affronter la peur et la confusion, avoir le courage de regarder et de se regarder, se débarrasser de vieux oripeaux, parler à la première personne soutenant son énonciation. Une jeune patiente m’a dit : « j’étais arrimée à mes parents. Ils doivent aussi apprendre de nous et nous d’eux ». À son tour, une patiente plus âgée m’a dit « des différences avec mes filles ont surgi ».
La première a poursuivi : « Il y a différentes choses qui se passent en même temps : le beau et l’horrible ». « Il y a une grande catharsis. » « Il est difficile d’oublier quelque chose comme ça. » Le mot catharsis et la dimension de l’oubli nous concernent. Un autre patient a parlé d’intensité, de sentiment d’irréalité, d’enthousiasme et d’angoisse, se sentant comme lors d’un match de football ou d’un concert de hard rock. Sentiment d’appartenance à une foule, mais aussi peur de l’autre avec des lacrymogènes, sentiment d’être dans quelque chose de toxique. Il a dit qu’il avait touché de près la jouissance de la destruction. Un patient s’est retrouvé à se demander : « Et ces gens avec des mitraillettes géantes, sont-ils vraiment humains eux aussi ? » Un autre patient a parlé de la beauté d’être tous préoccupés. Une patiente, pas si jeune, a déclaré : « C’est la première fois que je vais à une manifestation ; ce malaise profond m’a interpellée ». Se sentir appelé, concerné d’une manière ou d’une autre. Tous concernés.
La dimension traumatique apparaît également : « Je n’oublierai jamais cette image ». Cette patiente faisait référence à l’instant où elle a vu son fils agenouillé, les bras derrière la tête, arrêté par les militaires dans une station de métro. Force du mot jamais, qui nous interroge maintenant. Nous avions convenu comme pays d’un « plus jamais ça » et pourtant.
Un patient qui ne participe pas aux manifestions, disait que ce qui se passe l’interpelle, qu’il a l’impression de vivre dans une bulle et que tout cela le fait réfléchir, repenser son mode de vie. C’est pourquoi je constate et confirme que la psychanalyse est un outil puissant pour se questionner : même s’il me semble que quelque chose ne me concerne pas directement, dans la mesure où je vis avec d’autres, car sinon, je ne vis pas, elle interroge ce que j’entends et vois. Finalement, cela me concerne aussi, c’est aussi une possibilité pour moi. Je crois que c’est de cette beauté dont parlait une des patientes.
Deux affirmations apparaissent jusqu’à présent :
Dans des moments de crise, comme analystes, nous sommes convoqués à naviguer dans une autre temporalité.
La psychanalyse a une vocation de transformation : regarder, comprendre pour aboutir à un faire. Tout un travail !
Il me semble pertinent, dans le moment que nous vivons, d’apporter quelques éléments de l’histoire de la psychanalyse dans notre pays.
L’ICHPA fête aujourd’hui ses 30 ans, comment ne pas marquer le coup ? ? Probablement un chemin qui a du rencontrer des conflits. Ce qui peut être intéressant pour nous, c’est la façon dont on y fait face. C’est toujours un défi pour les psychanalystes de résoudre nos difficultés d’une manière… de quelle manière ? De manière créative, en surmontant les exclusions, en surmontant la tentation répétitive de disqualifier les uns et d’idéaliser les autres. Plus d’une fois, j’ai lu que l’histoire de la psychanalyse a été sanglante. Est-il possible d’en apprendre quelque chose ? Avons-nous appris quelque chose ? Personnellement, je le pense. Mais la question des institutions a sa propre dynamique et les institutions psychanalytiques ne font pas exception. Comment ne pas être naïfs et pourtant mettre au travail quelque chose de ce que la psychanalyse elle-même nous apprend pour nous déplacer dans notre relation aux autres ?
La formation des cliniciens vise à prendre en compte comment un jour, la clinique est née. Foucault nous rappelle que dans l’étymologie du mot clinique, on trouve kline, lit. Clinicien : celui qui travaille avec quelqu’un qui est couché dans un lit. Cela m’apporte de la lumière. La proximité avec ceux qui sont dans une situation de souffrance. Et le pari d’un soulagement de cette souffrance par la relation qui se crée de cette rencontre. A partir de là, la clinique et ses divers versants. La psychanalyse, bien qu’elle soit née avec un médecin, est différente de la médecine, elle se développe dans un domaine différent.
Pour savoir où nous en sommes, pour courir moins de risques de répéter aveuglément l’histoire, nous avons plus d’un livre et plusieurs textes de recherche sur l’histoire de la psychanalyse au Chili. Je citerai trois livres : Quarante ans de psychanalyse au Chili. Biographie d’une société scientifique, par Eleonora Casaula, Jaime Coloma et Juan Francisco Jordán, 1991. La psychanalyse au Chili, constructions et récits de Diego Blanco et Oscar Fierro, 2014, qui à travers des entretiens avec des cliniciens, contribue à la mémoire de la pratique de la psychanalyse au Chili, en donnant notamment la parole aux précurseurs de l’enseignement de Lacan dans notre pays. Enfin, Freud et les Chiliens de Mariano Ruperthus, 2015, qui enquête sur la longue et riche histoire de la présence de la psychanalyse au Chili de 1910 à la création de l’APCh[6] en 1949.
Je cite également l’article « La dictature militaire dans l’histoire officielle de la psychanalyse chilienne : sur la construction d’un pathos discursif », d’Esteban Radiszcz, Mara Sabrowsky et Silvana Betö de la Faculté des sciences sociales de l’Université du Chili, 2014. C’est un article pertinent qui remet en question les paroles et les actes des analystes et de leurs institutions au regard de ce que notre pays a vécu pendant la dictature. Enfin, je mentionne l’article « La psychanalyse pendant la dictature. L’Association psychanalytique chilienne en vue de la disparition du Dr Gabriel Castillo Cerna », par Silvana Vetö, 2012. Je cite ce dernier ouvrage en raison de l’importance du sujet : un psychanalyste disparu et le peu que nous, analystes, avons dit à ce sujet.
Il y a donc des études. Et elles sont plus nombreuses que celles que je mentionne. J’apprécie cela. C’est à notre tour de les lire et de débattre avec ces études. Pour moi, cela devient indispensable.
La psychanalyse est très ancienne au Chili, en relation à l’avènement de cette discipline sur la planète. Elle s’est alors répandue dans divers espaces publics, notamment dans les hôpitaux et les universités. Enfin, un institut de formation des psychanalystes est né. Pourquoi un groupe psychanalytique naît-il à un moment donné ? Pourquoi un groupe psychanalytique se brise-t-il à un moment donné ?
Pendant plusieurs décennies, il n’y avait qu’un lieu de formation pour les psychanalystes dans notre pays. C’était à Santiago, dans la capitale. L’APCh, reconnue par l’IPA. Certains de ses membres ont enseigné à l’Universidad de Chile et à l’Universidad Católica, dans leurs écoles de psychologie et aussi de psychiatrie. Y a-t-il eu une présence de psychanalystes travaillant en provinces au XXe siècle, avant les années 1980 ? Je ne sais pas. Il y a toujours des surprises.
J’ai appris que Germán Greve et Fernando Allende Navarro, les premiers analystes chiliens, venaient de Valparaíso et le second de Concepción. Ignacio Matte-Blanco, comme les deux analystes que nous venons de mentionner, a été formé en Europe et à son retour au Chili, a été l’un des principaux fondateurs de l’APCh. Environ 20 ans après la création de l’association, M. Matte-Blanco a quitté l’institution qu’il avait aidé à créer et a quitté le pays pour ne plus jamais y revenir. Il a fait un travail remarquable à l’étranger qui a été reconnu en Europe. Quel a été le conflit qui a conduit à son départ ? Comment a été géré ce conflit ? Comment l’enseigne-t-on aujourd’hui ? Peut-on en tirer des enseignements ?
J’étais jeune quand je suis arrivée à Santiago à la fin de 1980, de retour d’un exil en France où j’avais commencé ma formation. À cette époque, l’APCh était encore le seul endroit où les psychanalystes étaient systématiquement formés. À l’hôpital El Salvador, où j’ai fait un stage dans le service psychiatrique dirigé à l’époque par un psychanalyste psychiatre, le Dr Hernán Davanzo, il y avait un foisonnement de groupes d’étude. Certains de ces groupes étaient dirigés par des psychanalystes qui ne faisaient pas partie de l’APCh. Je crois que cela a toujours existé et existe encore aujourd’hui : en marge des institutions, il y a eu et il y a encore des cliniciens, je parle des psychanalystes, qui exercent leur profession et parfois même développent une transmission de la psychanalyse. Jacques Lacan dit qu’un analyste doit s’autoriser lui-même et… de quelques d’autres. C’est un des aphorismes classiques de ce maître. Assumer sa propre solitude, sa propre responsabilité. Mais Lacan ajoute : et par quelques autres. Ces « quelques autres » peuvent être les compagnons institutionnels, les aînés ou des compagnons pas nécessairement institutionnalisés. Des autres qui me reconnaissent, qui me font confiance et me soutiennent dans mon travail, des autres avec qui je travaille. Je peux me former en m’appuyant sur quelqu’un ou même contre quelqu’un, mais je ne peux pas me former seul.
Au début des années 80, l’APCh – qui était, comme nous l’avons dit, LA référence en matière de psychanalyse au Chili – me semblait être une institution assez fermée. Je ne me souviens d’aucune activité visant un public plus large. Je me trompe peut-être. Il n’y a pas eu d’analystes cherchant à faire entendre leur voix au-delà de leur cercle. C’étaient encore les années de dictature. Certains psychanalystes ont été licenciés de leur travail dans les universités et les hôpitaux en raison de persécutions politiques. Un psychanalyste a disparu. La psychanalyse était très refermée sur elle-même. Je me souviens avoir senti le manque d’une chronique écrite par un psychanalyste dans un des journaux ou magazines d’opposition qui circulaient à l’époque.
En 1987, juste un an avant le plébiscite du Oui et du Non[7] , arrive au Chili, à Santiago, le premier enseignement systématique de l’œuvre de Jacques Lacan. Il fut apporté par un psychanalyste belge : Michel Thibaut. J’ai été invitée à étudier avec lui dans un groupe où il y avait plusieurs francophones. Je commençais à me sentir proche de la psychanalyse d’origine anglaise et nord-américaine – ce qui circulait à l’époque dans les milieux psychanalytiques chiliens – mais je voulais aller voir ce que cet analyste apportait, qui me permettrait de renouer avec mes premiers pas dans la psychanalyse faits en France. En conséquence, je me suis fait une place au sein du GIEP (Groupe de recherche et d’études en psychanalyse).
Nous devons tenir compte du fait que notre discipline arrive à nos latitudes en traversant les Andes. Dès le premier jour. Puis, nous pourrions parcourir sa trajectoire de métissage. Comment cet ensemble d’idées a-t-il trouvé un écho au Chili ? Il y a là un point intéressant : nos relations souvent dépendantes des développements théoriques produits loin de notre réalité. De nos jours, il y a de plus en plus de productions locales, les analystes chiliens écrivant, au risque de se faire entendre. En tout cas, j’aborde une dimension qui transcende notre métier, me semble-t-il, et qui a trait au pays que nous avons été, que nous sommes et que nous faisons.
Dans le livre de Mariano Ruperthus, j’ai découvert à mon grand étonnement que dans les premières décennies du XXème siècle, plusieurs acteurs et finalement des auteurs chiliens ont fait leur propre lecture et diffusion de l’œuvre de Freud et de certains de ses disciples. Des auteurs conservateurs et d’autres qui sont enclins à apporter des changements à la société chilienne. Ils étaient juges, juristes, criminologues, médecins, politiciens, écrivains, pédagogues. Beaucoup d’entre eux ont écrit des livres, dont je ne connaissais pas l’existence et dont je crains que beaucoup d’entre nous ne soient pas au courant !
Sait-on que l’Association médicale de Valparaiso, soutenue par l’Alliance des intellectuels du Chili pour la défense de la culture, avec Neruda à sa tête, a envoyé en 1938 une lettre à Freud pour lui offrir l’asile au Chili à l’approche de la Seconde Guerre Mondiale ?
Sait-on que le Dr Alejandro Lipschutz, physiologiste communiste d’origine lettone qui a acquis la nationalité chilienne et s’est installé à Concepción, a eu une longue correspondance avec Freud, car ce dernier s’intéressait aux travaux scientifiques de Lipschutz sur la sexualité humaine ? Lipschutz a été l’un des nombreux Chiliens qui ont répandu les enseignements de la psychanalyse dans notre pays. Tout cela s’est passé avant l’institutionnalisation de la psychanalyse en tant qu’école de formation à l’exercice de cette profession. Il est donc clair que la psychanalyse transcende les institutions : hôpitaux, universités, groupes de psychanalystes. La psychanalyse, comprise comme un courant d’idées qui imprègne la culture d’un pays, va au-delà des institutions et je crois qu’il est important de garder cela à l’esprit. La psychanalyse n’est le monopole d’aucune institution.
Il est peut-être utile de citer ici une phrase d’Alejandro Lipschutz : « La science, même dans ses manifestations les plus sublimes, n’est pas un luxe, mais doit servir l’homme ».
Je sais, à la source, ce qui s’est passé avec notre discipline pendant la dictature. En ce qui concerne l’époque de l’Unidad Popular et même avant, dans les années 60, je ne sais pas quelle a été la contribution de la psychanalyse en tant que regard qui peut et doit dire et éventuellement faire quelque chose quant à l’évolution sociale et culturelle. Il semble que la psychanalyse insérée dans l’espace public se soit évaporée à un moment donné, vers les années 60. Et si oui, pourquoi ?
Je reviens à un point de départ pour moi : lorsque j’ai rencontré la psychanalyse, les enseignements que j’ai reçus ont eu un impact sur moi, en particulier la perspective lacanienne. Il y a des questions de toutes sortes qui nous touchent. Que faites-vous après un impact ? Vous tombez par terre et restez presque hébété par ce quelque chose « tellement »… Je pense que quelque chose comme ça m’est arrivé. Nous savons que la fascination peut aveugler, paralyser, aliéner. Cependant, on peut se reprendre et commencer à tisser quelque chose de singulier à partir de cet impact et des autres fils que l’on trouve sur son chemin.
Je suis sûre qu’au Chili, une grande partie de ce qui nous est parvenu et nous vient encore de l’extérieur a un impact sur nous. L’avènement de la psychanalyse a peut-être aussi eu avoir avec quelque chose de cet ordre. C’est d’autant mieux dans ce cas parce que je pense que la psychanalyse a été créée pour réveiller, ce qui n’est pas simple. Nous continuons généralement à dormir, en nous accrochant aux béquilles que nous nous sommes construites. Souvenons-nous encore une fois de cette phrase attribuée à Freud lorsqu’il est arrivé en Amérique du Nord. Il aurait dit : « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste. »
Je ne pense pas que ceux qui sont arrivés bien avant d’Espagne en Amérique Centrale aient dit cela : ils pensaient plutôt apporter la Bonne Nouvelle…
Cette phrase de Freud est généralement lue comme » nous allons remettre en question vos certitudes « . Oui, en effet. J’aime toujours penser que c’était un fléau – aujourd’hui on dirait un virus – qui nous a enrichi et non une peste qui nous rend malade.
Michel Thibaut, le Belge arrivé au Chili en partie motivé par le fait qu’il avait rencontré des réfugiés chiliens dans son propre pays, a fondé un premier groupe d’étude sur la psychanalyse. Nous avons créé un journal : El discurso psicoanálitico. Thibaut a été reçu à l’hôpital psychiatrique par le docteur Rafael Parada ; à l’hôpital El Peral par le docteur Martín Cordero, qui revenait de son exil à Londres ; à la faculté de psychologie de l’université Diego Portales par son doyen, Domingo Asún. Nous avons mené des activités dans le service psychiatrique de l’hôpital El Salvador. Nous étions un groupe peu nombreux à réaliser de nombreuses activités dont certaines à l’Institut français, destinées à un large public. Nous cherchions le dialogue avec d’autres disciplines, d’autres domaines. Depuis 1988, notre groupe a invité des collègues principalement français, dont la plupart appartenaient à l’Association Lacanienne Internationale, alors appelée AFI. Ensembles, nous avons organisé plusieurs colloques dans des lieux ouverts aux publics. Certains psychanalystes qui étaient alors à l’APCh ont parfois assisté à ces événements en tant qu’orateurs invités. Peu après l’apparition de ce jeune groupe de psychanalystes lacaniens de la capitale, l’ICHPA est née. Quelque chose bougeait dans l’environnement psychanalytique de Santiago, sans parler du Chili. Il est clair que quelque chose bougeait au Chili. Le NON avait déjà gagné[8].
Les enseignements de Lacan sont donc arrivés avec Thibaut en 1987. Il a mis en place une activité systématique de transmission de la psychanalyse, tant pour les personnes qui voulaient être formées comme analystes que pour un public plus large. Cependant, avant lui d’autres personnes avaient déjà apporté au Chili quelque chose de l’apport de Lacan. Je connais au moins le cas du docteur Rafael Parada, mais je ne serais pas surprise si dans les circuits de la philosophie et de l’art, il y a déjà eu des échos de cet auteur.
Avec Thibaut, j’ai appris que la clinique psychanalytique pouvait contribuer à la dignité des personnes. Permettre à quelqu’un de dire ce qu’il a à dire, comme il le peut ; donner de la valeur aux propos de ceux qui s’adressent à nous, les écouter attentivement. Si possible, les accompagner pour qu’ils osent regarder leurs propres contradictions et faire quelque chose pour y remédier. Avec cette prémisse, le travail clinique pouvait être développé à la fois dans le cabinet traditionnel d’un psychanalyste, mais aussi dans un cabinet périphérique dans un secteur populaire. C’était une ouverture, une invitation à travailler dans des contextes très variés. À cet égard, j’ai à l’esprit la phrase qui dit : la psychanalyse est ce que fait un psychanalyste. Il me semble éloquent d’indiquer qu’une fois qu’on s’est mis et qu’on a été mis en place de psychanalyste – ce sont principalement les patients qui nous y mettent – on s’organise de manière à favoriser le travail mentionné ci-dessus : que le patient lui-même s’entende dans sa dignité de personne qui a quelque chose à dire, quelque chose à prendre en main, aussi. Et pour cela, le psychanalyste fait comme il peut. Comme le permet son panier de ressources acquises au cours de sa formation et de sa vie, en tenant compte du contexte dans lequel se déroule la rencontre avec le patient : hôpital psychiatrique, service d’une spécialité médicale, cabinet du secteur public, cabinet privé ou même autres.
Assumer cette responsabilité, celle d’accompagner quelqu’un dans la rencontre avec sa propre intimité demande du courage et aussi de la prudence, des mots qui ne vont généralement pas ensemble. Ajoutons en un autre : l’angoisse. L’angoisse probable du clinicien face à sa responsabilité ; l’angoisse de travailler parfois avec le plus abject de quelqu’un, l’angoisse parce qu’il n’y a aucune garantie que nous orientons le travail correctement ; l’angoisse parce que nous sommes touchés par l’humanité qui se manifeste avec toutes ces couleurs lorsque quelqu’un se dispose à faire ce travail. Un de mes maîtres, Marcel Czermak, parle de l’angoisse irréductible de notre travail. Sa métaphore est « la livre de chair » que le clinicien doit payer quand il doit s’occuper d’un patient. Je mentionnais la prudence, car il faut faire preuve d’humilité face à ce qui surgit lors d’une cure et accepter de marcher à un rythme tolérable pour le patient. Courage de ne pas être complice de la bêtise humaine, d’inviter un sujet, avec le tact nécessaire à voir comment il ou elle triche. Czermak est plus radical : il parle de la stupidité et même de la canaille qui est en nous-même. Il conçoit la psychanalyse comme un instrument, une boussole contre la bêtise, pour tenir à distance sa propre bêtise et celle qui nous entoure. Pour le dire avec notre théorie, la psychanalyse d’hier et d’aujourd’hui propose la rectification du sujet dans son rapport avec son réel, avec ce qui le conduit. Qu’est-ce qui me conduit ? L’invitation est de sortir de l’aveuglement à cet égard, avec la confiance, la conviction que chacun peut assumer quelque chose, s’il le souhaite, par rapport au réel qui le concerne.
Nous, psychanalystes sommes engagés – c’est notre responsabilité dans la transmission – dans une certaine idée de l’humain qui n’est pas naïve, où le pacte de parole peut être cultivé et renouvelé encore et encore dans la relation avec l’autre, mon semblable. Un pacte entre semblants distincts, où il y a de la place pour la différence. En ce qui concerne la clinique actuelle on tente souvent aujourd’hui d’effacer cette différence, cette disparité subjective, qui nous rappelle que si nous restons dans la dualité, nous tombons facilement dans la violence du « toi ou moi ». La psychanalyse propose un pacte avec les risques que cela implique, c’est-à-dire sans garantie, mais avec confiance et respect. C’est différent d’un contrat où tout est programmé et lié à l’avance.
Je reprends la trajectoire de la psychanalyse dans notre pays pour témoigner du cheminement de la psychanalyse lacanienne sous nos latitudes. Le groupe qui est né de la main de Thibaut, à un moment donné s’est brisé (s’est cassé la gueule). Je crois que celui qui dirigeait ce groupe n’a pas su comment faire face à l’arrivée d’une nouvelle sève, une sève différente : des jeunes, avec une formation théorique peut-être plus forte que les gens de la « première portée ». Je mentionnais plus haut le défi de faire lien entre des personnes différentes. Cette fois-là, ça n’a pas marché. La naïveté, les questions de pouvoir… La rupture, la douleur, la déception et le désarroi. Mais, comme Danièle Brillaud me l’a rappelé récemment, quand un groupe se sépare, quand il meurt… eh bien, d’autres naissent. J’avoue que je ne l’avais pas vu de cette façon. En définitive, je pense que l’essentiel est que le travail ne meure pas. Et il n’est pas mort. Une question importante se pose ici : qu’est-ce qui soutient le fait que la psychanalyse est toujours vivante ? Eh bien, en ce moment même, en octobre 2019, nous l’avons vue extrêmement vivante, avec le désir de participer, ayant quelque chose à dire, prenant position publiquement sur les faits. Il s’agit bien d’une psychanalyse qui sort de son enfermement.
Quelques années plus tard, le Grupo psicoanalitico PLUS est né, dont je suis membre. Nous étions à la fin des années 90. Ce groupe était constitué d’anciens membres du groupe qui s’était défait et de nouvelles personnes qui arrivaient progressivement. Il n’y a plus autant de francophones. Une nouvelle génération de cliniciens avec leur formation de base effectuée dans différentes universités de Santiago et de la province. Aujourd’hui, il y a au moins trois générations de membres et de participants dans notre petit groupe qui cheminent ensembles depuis plus de 20 ans. Nous persévérons. Nous essayons de soutenir ce que nous comprenons être l’éthique de la psychanalyse, celle qui est en relation avec la dignité du parlêtre et son pacte de parole avec son semblable. Un regard clinique, sensible aussi à ce qui se passe dans notre société, nous rendant responsables de nos paroles et de nos actes. Il y a un quoi et un comment. Un style de travail qui se crée au fur et à mesure. Dans notre cas, en invitant chaque personne à s’impliquer personnellement dans la tâche de formation. Le groupe encourage, accompagne et favorise un climat de confiance. Tous travaillant des sujets souvent difficiles qui nous demandent de l’engagement, du temps, l’ouverture de nos esprits au dialogue avec la théorie et le réel auxquels nous avons à faire. Nous sommes loin d’être un « groupe idéal ». Nous apprécions et prenons soin de ce que nous avons créé.
Après que le premier groupe psychanalytique lacanien ait commencé au Chili, plusieurs autres ont commencé à se former, liés en partie à l’arrivée de nouvelles personnes dans le pays. Une fois de plus ! Des gens d’Argentine, du Pérou, du Venezuela, si je ne me trompe pas. Certains de ces groupes ont perduré dans le temps ; il y en a de petits et d’autres pas tant que ça. Ils développent un travail dynamique. La psychanalyse lacanienne est arrivée dans plusieurs de nos universités et a connu un développement important dans certaines d’entre elles. Sans entrer ici dans le détail de la différence du travail autour de la psychanalyse à l’université et dans un groupe de formation d’analystes, disons qu’il s’agit de domaines différents, chacun ayant sa propre pertinence. L’université distribue des savoirs, de la connaissance, ce qui est nécessaire. Une association d’analystes est composée de personnes qui se regroupent pour travailler sur leurs questions et leurs préoccupations, en procédant souvent par balbutiements, tâtonnements… Il est important, me semble-t-il, de distinguer les lieux, de ne pas disqualifier certains par rapport à d’autres. Dans les deux cas, la dimension du transfert est certainement présente, sans laquelle aucun travail n’est possible.
Aujourd’hui, la psychanalyse est pratiquée au Chili bien au-delà de Santiago. Parfois même dans des endroits isolés. Deux exemples : Parral et Marchigüe[9]. Et elle a lieu dans d’innombrables espaces qui transcendent le cabinet privé ou le service psychiatrique d’un hôpital. Cela est lié à la « viralisation » dont j’ai parlée.
Certes, nous, les groupes psychanalytiques avons une responsabilité dans la formation des cliniciens qui vont travailler dans les prisons, les centres de réhabilitation pour les personnes qui consomment des drogues, les centres de consultations périphériques, les centres d’accueil, les maisons de rencontre pour les parents et les jeunes enfants, etc.
Notre groupe a depuis longtemps mis en place un cabinet au sein du groupe pour s’occuper des personnes qui n’ont pas les moyens de payer les frais de la consultation privée. Nous ne sommes pas le seul groupe d’analystes à avoir eu cette initiative.
Actuellement, ceux qui veulent se former comme cliniciens psychanalystes dans notre pays ont bien plus qu’un seul lieu de référence auquel se rapprocher. Je pense que c’est une bonne chose.
On peut dire qu’aujourd’hui la psychanalyse circule et s’est développée au Chili sans aucun doute et que le travail clinique inspiré de la psychanalyse est possible pour une population beaucoup plus large qu’il y a 30 ans. Il s’agit également de la créativité et de l’audace des nouvelles générations pour faire quelque chose avec les lunettes de la psychanalyse dans des circonstances et des espaces différents des traditionnels et qui ont trait à notre réalité chilienne actuelle.
Inspirés et enseignés par la force du pacte de parole – j’insiste sur le beau mot pacte – avec l’espoir de contribuer peut-être à la création d’un nouveau pacte social, différent du mode de relation dans lequel nous sommes immergés aujourd’hui, qui n’a rien à voir avec un pacte, nous, les analystes, pouvons participer comme un acteur de plus au processus de faire de la culture, de faire de la société.
Références
[1] L’ICHPA est l’une des institutions psychanalytiques au Chili.
[2] Initialement le titre de la table qui devait inaugurer les journées de cette institution amie, à laquelle j’avais été invitée était : Histoire et clinique actuelle de la psychanalyse au Chili. L’invitation avait eu lieu avant les événements du mois d’octobre 2019.
[3] Rassemblement citoyen auto-convoqué, qui en suivant la tradition et le nom d’une institution coloniale, convoque des citoyens en vue de discuter des thèmes concernant la réalité sociale et l’organisation politique de la République aujourd’hui et pour l’avenir.
[4] Film documentaire sur l’Unité Populaire, le gouvernement d’Allende (1970-1973).
[5] Éclater, en espagnol: estallar. C’est le nom, El Estallido, qu’a été donné à cette crise commencée le 18 octobre 2019 au Chili.
[6] APCh veut dire Asociación psicoanalítica de Chile.
[7] En octobre 1988 il y a eu un référendum au Chili. Les chiliens devaient voter oui ou non à la continuation du gouvernement de Pinochet jusqu’en 1997.
[8] Le NON a été le début de la fin de la dictature.
[9] Des petites villes dans le sud du pays.