Par Nicolas Dissez
Thierry Florentin m’a communiqué récemment la transcription d’un cours de grande qualité qu’il a donné auprès des étudiants de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes en Psychopathologie au sujet de l’histoire du secteur psychiatrique et il m’a indiqué qu’il comptait poursuivre l’an prochain au sujet de l’histoire de la Psychothérapie institutionnelle, de l’hôpital de Saint-Alban à la clinique de La Borde. Cela m’a rappelé une formulation répétitive de François Tosquelles qui, dans les années soixante-dix, soulignait, avec son accent catalan caractéristique : « La psychothérapie institutionnelle marche sur deux pieds : un pied freudien et un pied marxiste ! »
Mon constat est, à plus d’un titre, que notre Ecole avance elle aussi en marchant sur deux pieds. Du point de vue de notre statut administratif, tout d’abord, nous avons un pied à Sainte-Anne, et un pied à l’Association Lacanienne Internationale. Un pied à Sainte-Anne, Marcel Czermak le rappelle souvent, où nous sommes fondamentalement invités et dont nous avons à respecter les règles de fonctionnement. Cet établissement dont nous fêtons les 150 ans, nous héberge concrètement comme sur le plan de notre domiciliation administrative ce qui nous octroie un certain nombre d’avantages en particulier la mise à disposition de cet amphithéâtre pour notre séminaire comme pour la tenue de nos Journées Annuelles. Le numéro 6 du Journal de Bord de l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne qui s’associe au cent cinquantenaire de Sainte-Anne rend compte de notre attachement à cet hôpital. Un pied à Sainte-Anne, donc mais aussi un pied à l’Association Lacanienne Internationale à laquelle nous sommes liés historiquement et par nos statuts, puisque ceux-ci spécifient que nous lui sommes affiliés. Marcel Czermak l’indiquait récemment, c’est à Sainte-Anne que se sont formés la plupart des cadres de l’ALI. En retour, beaucoup des nouveaux membres de notre école au cours des dernières années proviennent de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes en Psychopathologie, témoignant ainsi de notre lien effectif à l’ALI. Nous marchons sur deux pieds donc, ce qui se traduit dans notre nom même, Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne, ce qui ne nous met pas forcément à l’abri de faux pas mais qui nous a permis, me semble-t-il, d’avancer à une bonne allure au cours de ces dernières années.
Du point de vue de nos références théoriques également, l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne marche sur deux pieds puisque, vous le savez, nos travaux se soutiennent d’un côté d’appuis sur le savoir psychiatrique classique, celui des aliénistes, et je tiens ici à remercier la bibliothèque Médicale Henri Ey qui régulièrement constitue une aise précieuse dans la recherche de tel ou tel document et qui distribue et tient à disposition de son public chaque numéro de notre Journal de Bord. De l’autre côté notre travail théorique se soutient de l’enseignement de la psychanalyse, celui de Jacques Lacan en particulier, dont nous travaillons chaque année un séminaire, voire deux puisqu’en 2016, nous avons travaillé Les écrits techniques et Le moment de conclure, cette année La topologie et le temps et Le moi, l’an prochain Les structures freudiennes des psychoses. Ce double appui théorique, cette possibilité de marcher sur deux pieds, a pu trouver dans le terme de psychiatrie lacanienne une formulation qui par bien des aspects est venu à point nommé pour identifier nos travaux. Nos prochaines Journées Annuelles qui se tiendront les 14 et 15 octobre prochains, portent la marque de ce signifiant que Marcel Czermak a mis en circulation au cours des dernières années puisqu’elles s’intituleront : De la psychiatrie lacanienne à Sainte-Anne.
Du point de vue de nos enjeux, de nos buts, l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne, là encore, marche sur deux pieds : d’un côté, un souci de formation, et Marcel Czermak a pu souligner depuis de nombreux années combien le premier but de son enseignement était de former des opérateurs, des praticiens de confiance et de l’autre côté un enjeu de recherche, le souci de pouvoir faire avancer les questions qui sont des points importants de la pratique ce dont témoignent les thèmes de nos Journées Annuelles, la clinique de la Psychose Maniaco-Dépressive, la question de l’automatisme mental, le registre de l’acte en particulier. Les modalités d’organisation de ces Journées Annuelles, vous le savez, doivent beaucoup au travail de Cyril Veken et à son attention aux questions de transcription. Son attachement à souligner la valeur de l’établissement du verbatim des entretiens cliniques vient fournir l’ossature de nos journées, depuis le colloque, intitulé Clinique usitée et inusitée, qu’il avait organisé avec Marcel Czermak. Je crois essentiel, quelques jours après sa disparition, de lui rendre aujourd’hui un hommage appuyé en soulignant l’attention qui a toujours été la sienne de donner à ces journées des enjeux de formation psychanalytique dans leur forme même, en proposant aux plus jeunes d’intervenir dans cet exercice du trait du cas tout en réinterrogeant des enjeux essentiels de notre pratique.
Du point de vue de nos outils de communication enfin, l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne marche également sur deux pieds. L’un d’eux est constitué de notre Journal de Bord dont j’espère que le numéro 7, qui sera constitué d’un dossier de préparation de nos Journées annuelles d’octobre, pourra sortir fin août prochain. Nous sommes dans ce cadre à la recherche de bonnes volontés qui souhaiterait s’atteler au travail de transcription de certains articles ou interviews qui y figureront. Le deuxième de nos appuis est bien sûr notre site Internet epsaweb.fr, dont vous savez tout ce qu’il doit au travail et au talent de Luc Sibony. Ce site s’est agrandi cette année d’un espace membre, ce qui me permet là encore de solliciter vos envois d’articles en vue de rendre ce site vivant, animé et riche de nombreuses signatures, c’est à dire à l’image de l’activité de notre école.
Voilà le constat que je souhaitais dresser avec vous aujourd’hui : si notre Ecole avance d’un bon pas depuis plusieurs années c’est donc à bien des égards en marchant sur deux pieds, ce qui constitue un moyen de déplacement qui a fait ses preuves. Même si cette situation peut occasionner parfois quelques boiteries, vous le savez « boiter n’est pas pêcher » et je pense donc que c’est sur ce mode que nous pouvons, pour les années qui viennent, continuer à avancer.
Je vous remercie de votre attention.