Editorial : Les Etats de l’Acte
Par Nicolas Dissez
Cette cinquième édition du Journal de Bord a choisi de se centrer sur le thème de l’acte qui constituera l’enjeu des prochaines journées annuelles de l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne. Il s’agira autant de souligner la variété des manifestations cliniques de l’acte que de cerner ce que ces registres ont en commun. Cette clinique de l’acte se déploie en effet depuis une psychopathologie de la vie quotidienne jusqu’aux circonstances les plus dramatiques. Un monde semble ainsi séparer l’acte manqué isolé par Freud, du passage à l’acte criminel. Le mérite en revient pourtant à Lacan d’avoir spécifié une dimension de l’acte qui pourrait rendre compte de l’ensemble de ces phénomènes dans leur hétérogénéité. Si prendre acte d’un événement n’est pas passer à l’acte, les deux phénomènes ont pourtant en commun d’induire une coupure qui a pour particularité de distinguer, pour le sujet, un avant d’un après. Cette donnée définie peut-être le registre de l’acte, expliquant que si l’acte peut être manqué, c’est lorsqu’il échoue à induire un tel changement. Si le sujet peut en effet se montrer démuni pour assumer la paternité d’un acte, il s’en trouvera pourtant, dans l’après-coup, définitivement transformé. Notons que cette caractéristique est aussi celle du passage à l’acte dans les psychoses dont l’effet résolutif du délire est connu de longue date de tous les praticiens. Retenons donc, ces deux caractéristiques essentielles que sont l’aphanisis du sujet au moment de l’acte et ce constat qu’après un acte le sujet n’est plus le même qu’avant celui-ci. Dès son travail de thèse, cette question constitue un enjeu central de l’enseignement de Lacan. Ses travaux soulignent que les caractéristiques de l’acte sont liées à des effets de signifiant. « Tu es ma femme », « Tu es mon maître » , sont pour Lacan deux formules qui signent le registre de la parole pleine, celle qui a des effets d’acte. Il en viendra également à consacrer une année de son séminaire à la question de L’acte psychanalytique en tant que celui-ci viendrait instituer la spécificité du psychanalyste. Dans son séminaire sur l’angoisse, Lacan différencie également l’acting-out du passage à l’acte. Les travaux de ses élèves ne se sont pourtant guère attelés à l’ensemble de ces questions. Faisant exception parmi ceux-ci, Marcel Czermak éclairera les enjeux cliniques de cette distinction en soulignant leur articulation possible : toute interprétation de l’acting-out risque de se solder par la survenue automatique d’un passage à l’acte. Ce numéro se propose de publier la première leçon de son séminaire inédit de 1984/85 qui s’attelle à ces questions. Les 4ème Journées Annuelles de l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne reprendront ces questions les 8 et 9 octobre prochains, elles bénéficieront des travaux de l’année précédente. Un passage à l’acte ne vient-il pas régulièrement émailler la clinique de l’automatisme mental, comme ce fût le cas pour « l’homme aux paroles imposées » ? Toutes les modalités d’actes ne se laissent pourtant pas facilement saisir par la terminologie que nous venons de rappeler. Quelle qualification pourrait ainsi spécifier les récents attentats perpétrés à Paris ? Souhaitons que ces journées puissent apporter, sur ce point comme sur d’autres, un certain nombre d’avancées.