Par Eva-Marie Golder
En septembre 2020 le Ministère de la Santé publie un rapport ambitieux, afin de veiller à une politique soucieuse de diminuer les inégalités qui entravent le bon développement de certains enfants. L’ensemble du rapport est intéressant, exhaustif, riche en informations. L’art de la litote est manié avec habileté. Il fourmille à la fois de bonnes propositions, et de constats qui méritent attention. Il est aussi un exemple parfait du néodiscours plein de formules stylistiques tellement entrées dans le langage commun qu’on ne s’aperçoit même plus de la charge idéologique qu’elles véhiculent. C’est un rapport bien-pensant qui efface la différence entre égalité et identité. C’est dans l’air du temps, « société liquide », comme dirait Zygmunt Bauman, oblige. Oui ce rapport a sa raison d’être au niveau des préconisations, sans aucun doute, mais peut-être faut-il nuancer les choses et le lire avec attention.
C’est un document en trois temps : une première partie fait une sorte de constat de l’état des choses, une petite partie du milieu donne des indications sur l’organisation de démarches nécessaires pour une plus grande efficacité d’un programme à prévoir, et une troisième partie développe longuement les différents aspects à envisager pour une création de Maison des 1000 premiers Jours. C’est de loin la partie la plus intéressante du point de vue des observations.
Car l’approche initiale est surprenante, puisqu’elle affirme qu’il y a trente ans encore on ne pensait pas le bébé capable de performances relationnelles et cognitives, comme le montre la science de nos jours. La période précédente semble être dépourvue de tout intérêt scientifique, et n’est, de ce fait, même pas mentionnée. La commission créée ad hoc comporte un groupe d’experts dans le domaine de la promotion de la santé émotionnelle et cognitive de l’enfant, avec, parmi eux, le poids lourd de membres éminents. C’est certes intéressant, et on comprend, à voir apparaître aussi souvent le terme de « cognitif », qu’on ne se serait jamais penché sérieusement sur cette question par le passé. Cela n’est peut-être pas tout à fait vrai, mais il est certain que cette manière-là de parler de l’enfant est récente. Compétence, performance, adaptation, autorégulation, gestion des émotions, tout ce vocabulaire neuro-managérial n’est effectivement pas vieux, mais aussi pas forcément du meilleur aloi. A suivre le rapport pas à pas, on note que tout ce qui ne relève pas de la neuro-cognition n’a pas de valeur « scientifique » et ne mérite donc pas d’être mentionné, mais passe par pertes et profits sous la dénomination d’« absence de recherches ». Oubliées les Mélanie Klein, D.W.Winnicott, Danièle Rapoport, Françoise Dolto et tant d’autres pionniers qui, en leur temps déjà, avaient parlé de l’intelligence et de l’éveil de l’enfant.
un rapport anhistorique
La psychanalyse n’est non seulement jamais mentionnée, mais soigneusement exclue des propositions de structures de recherches devant être validées par un comité ad hoc (p126). N’oublions pas les préconisations de la HAS en 2012 contre la pratique de la psychanalyse dans le cas des TED qui a donné lieu à une véritable chasse aux sorcières et qui a entraîné l’éviction progressive de tout support psychanalytique des structures psychiatriques. Quelques-uns ont résisté et l’ont parfois payé très cher. C’est comme sur certaines photographies historiques, sur lesquelles certains visages ont disparu comme par magie, ça n’a simplement pas existé. Il est alors plus facile de dire que rien d’important n’a été dit sur le développement de l’enfant avant les recherches menées depuis une vingtaine d’année. « Nous avons privilégié une approche centrée sur les besoins des enfants, leurs compétences et les conditions de leur construction psychique, affective, cognitive et sociale » (p13), disent les auteurs. La psychanalyse aurait parlé du rapport entre besoin et désir. L’enfant n’est définitivement pas présenté comme sujet en devenir, mais comme un cerveau à développer. Ce rapport est anhistorique. Tout vient d’être découvert, vierge de toute accumulation de connaissances dans le passé. On aurait pourtant aimé entendre parler des premiers écrits sur l’effort assez considérable de créer des asiles pour enfants, afin de leur éviter de glisser vers la délinquance, on aurait aimé entendre parler de Pauline Kergomard et la création des écoles maternelles. Même Montessori serait la bienvenue, malgré l’industrialisation en business lucratif de ses objets et directives pédagogiques. Ne parlons pas de La Maison Verte ! Rien, un terrain en friche. L’anosognosie règne.
Un discours, pas loin de la propagande, émaillé du néo-glossaire neuro-cognitivo-managérial, transforme l’enfant en cyborg, vante les avantages des dernières découvertes sur le cerveau. Les 1000 premiers jours et leur Maison résonnent de manière sinistre avec les mille ans accolés à un autre signifiant.
Pourquoi favoriser l’expression des gènes (p.13) par un balisage précoce et une stimulation des compétences, afin de rendre l’enfant « efficace » à trois niveaux : social, conceptuel, linguistique ? Ne suffirait-il pas d’encourager les parents à être présents à leur bébé, à parler avec l’enfant, à lui chanter des chansons, lui lire des histoires ? Cela est également dit dans ce rapport, mais il faut maîtriser le glossaire pour comprendre que ça parle de ce sujet : cela s’appelle dans ce rapport « avoir une attitude parentale multimodale », (p.21), importante dans le développement précoce de l’auto-contrôle du bébé. Comme il est difficile d’être très clair face aux GAFA, marché oblige, la commission d’experts suggère de créer des logiciels adaptés aux bébés, au lieu de conseiller tout simplement de supprimer les écrans pour des enfants si jeunes. Il est dit combien l’enfant souffre de l’inattention des parents pendus au téléphone, mais la suggestion d’en faire un peu moins se perd au milieu d’autres préconisations. Et puis, comment dire aux parents souffrant d’addiction au téléphone, qu’ils sont le meilleur exemple de ce qu’il ne faudrait pas faire, sans les irriter quand ils lisent ce réquisitoire ? Comment vendre un message sans caresser le public dans le sens du poil ? Les GAFA n’aimeraient pas.
Le rapport détaille donc ce que les enfants doivent pouvoir développer dans leur plus jeune âge, et comment les parents doivent être aidés à les y accompagner. Les villes sont encouragées à s’y mettre à leur tour. Elles doivent devenir ludiques (p.28), elles seront même labellisées « bébé plus », (p.44). On aime les hochets en France, les poireaux de la République. Oubliées ces descriptions d’enfants s’amusant d’un rien, d’une flaque, d’un caillou, d’une ficelle ! La ville entière doit être transformée en terrain de jeu pour les stimuler. L’enfant n’en a cure, qui joue avec peu, si seulement il n’est pas submergé d’objets, jetables tous autant qu’ils sont, remplaçables. L’enfant aime jouer, sans y être stimulé, il en a même une appétence naturelle. Un certain Winnicott a écrit des pages émouvantes à ce sujet. Dans sa consultation il laissait traîner une petite spatule sur son bureau pour observer ce que le bébé en faisait sur les genoux de la maman. C’était son outil de diagnostic. Aujourd’hui il faut des tas de trucs, un écran, et une liste à cocher. Dommage. Dommage que ces Maisons des 1000 premiers Jours doivent servir à évaluer, dépister, prévenir. Cela part d’un bon sentiment, parfois même d’un besoin, mais trop de prévention tue la prévention. On se souvient des luttes de la Maison Verte contre l’immixtion de la DDASS exigeant que chaque enfant soit fiché et signalé en cas de soupçon de toute sorte. Les équipes ont tenu bon, l’enfant et la famille viennent anonymement, parce que ça répond à une grande demande de lieux où on ne vient pour rien, juste pour le plaisir de permettre à l’enfant d’être en contact avec d’autres, « devenir citoyen », comme le souhaitait Dolto, qui elle aussi parlait du développement de l’enfant ; des lieux où les parents peuvent discuter entre eux et avec un personnel formé pour les recevoir avec intelligence. Mais c’était du temps, où les enfants n’avaient pas seulement un cerveau, mais aussi un inconscient.
un néolangage
L’évolution du discours mélangeant le parler managérial au langage neurocognitif et la psychologie s’est installé progressivement depuis quarante ans. Aujourd’hui on « gère » tout : son budget du ménage, les réserves dans le frigo, le couple, les enfants, les émotions. C’est très pratique, parce qu’on n’a plus à s’encombrer de l’apprentissage des 600 mots de base pour s’entendre avec son voisin, on fera avec moins. Ne parlons pas des dizaines de milliers de mots d’un langage cultivé. D’autres mots managériaux s’y sont glissés : « contrôle des émotions », « capacité de régulation des émotions », « compétences se complexifiant », en matière de langage, entre autres. On notera que ces notions se marient sans difficulté avec le langage neurocognitif, né environ dans la même période. Le pompon est détenu par « les attitudes multimodales » dont il a déjà été question, expression pour laquelle il est nécessaire de connaître l’anglais afin de comprendre la note de bas de page qui explique ce que ça veut dire : « Live maternal speech and singing have beneficial effects on hospitalized preterm infants », un article de 2013 (p.21).
Le discours s’adapte aux évolutions sociétales, comme en témoigne la notion de parentalité qui revient régulièrement dans ce texte. Ce mot est devenu une habitude depuis qu’on a supprimé la notion de père et de mère dans les textes de loi, en la remplaçant par parent 1 et 2. Cela évite des crispations. Alors pourquoi pas utiliser l’adjectif pour lui donner un peu de mouvement en y adjoignant un suffixe, comme pour « vitalité » ? Parent, parental, parentalité. Ce n’est plus une fonction, une place, mais un processus (p.13). Être parent, devenir parent, suppose l’occupation de places, l’assomption d’un rôle envers l’enfant. Enfin c’était ainsi avant l’avènement du discours neuro-cognitivo-managérial et l’effacement des différences de genre. « Parentalité » est un collage holophrastique de deux personnes en une seule entité indifférenciée qui s’exercerait dans le rapport à l’enfant. Une sorte d’ovni qui se forgerait au besoin par l’intervention de l’aide extérieure. N’oublions pas que la qualité du soin parental et de l’accueil de l’enfant agit sur le développement du…cerveau. (p111).
Après cette première création de néologisme en est arrivée un autre : « parentage » (p.47). Comme le premier, « parentage » se loge dans la novlangue « tous pareils », le maternage exercé à parts égales par le parent un et le parent deux. « Être materné » devient donc « être parenté ». Parions que ça mettra un peu de temps pour entrer dans le langage courant. « Ah ce petit a du mal à se séparer, il a été trop longtemps parenté ! » Au 12e siècle le parentage désignait collectivement l’ensemble des parents et les liens de parenté. (Dictionnaire historique de la langue française, Robert). Aujourd’hui, cela désigne l’action exécutée de prise en charge de l’enfant, par évitement de désignation de genre. La société liquide efface les limites jusque dans les soins donnés aux petits. Le rapport souligne donc l’importance de l’exercice de la « parentalité », son potentiel dynamique. Comme les parents doivent l’apprendre, les auteurs ont imaginé des lieux ad hoc, pour l’accompagnement des familles et pour promouvoir, grâce à la « recherche-action », des travaux sur les « processus de parentalité ». Il faut savoir que ce mot de « recherche-action » déclenche des budgets.
Cette particularité de discours autour du développement de l’enfant s’est emparée de tout le champ de la prise en charge de ce dernier. Non seulement les personnes qui l’entourent n’ont plus de singularité, mais même les manières de s’en occuper compactent les trois entités, marché, cerveau, émotions, en un seul langage. Oublié, l’espace intermédiaire de création, cher à Winnicott, articulé au travail de distanciation progressive par rapport au maternage par le biais de l’objet transitionnel. Oubliés les pages remarquables sur la zone prochaine de développement de Vygotski, qui expliquent, comment l’enfant est littéralement précipité dans l’inconnu par tout nouvel élément encore ignoré, mais le tirant en avant dans une sorte de mouvement toujours instable et un peu angoissant, dans lequel il recherche son équilibre en assimilant la nouveauté à ce qu’il connaît déjà. On pourrait presque créer un néologisme en parlant de « style discursif holophrastique », en français : compactage de trois styles en un seul. Ce n’est évidemment pas sans intention, puisque ces petits doivent être au plus vite drainés vers la consommation et la performance professionnelle dans le cadre du marché…même si cela doit offusquer les bonnes âmes de le lire aussi crûment.
La présentation de ce rapport mélange ainsi des suggestions extrêmement justes et des affirmations paradoxales. D’un côté les auteurs insistent sur la nécessité de donner du temps à l’enfant, (p15) et se donner du temps avec l’enfant, ils soulignent que le petit enfant ne peut être expressif que dans le rapport avec un autre à qui il s’adresse (p20), qu’il est nécessaire de créer des boucles vertueuses dans l’échange avec l’enfant (p22), que l’acquisition des mots se fait dans la répétition de ceux-ci dans des contextes toujours différents (p23). D’un autre côté les mêmes auteurs demandent que l’enfant soit « exposé » aux livres (p24), oubliant que l’enfant est pris dans une relation quand on lui lit un livre et qu’il va ensuite vers d’autres livres avec intérêt, parce qu’il a fait l’expérience du plaisir de ce partage. Sans cela, le livre est un objet quelconque parmi d’autres, pas investi davantage. Non, l’enfant n’y est pas « exposé », comme il l’est aux écrans, mais il y est initié ! Utiliser le langage emprunté aux habitudes des écrans pour recommander une habitude vertueuse est un contre-sens périlleux.
Il ne s’agit pourtant pas d’un lapsus, il s’agit d’une perspective à partir de laquelle ce rapport est écrit, de la volonté de donner une direction à l’éducation des enfants vers la performance, la capacité d’adaptation soft à un contexte mondial du marché les plus impitoyables. N’oublions pas un autre document : « vers une école de la confiance » ! Il y a donc une volonté de ce gouvernement de donner une direction claire à l’action à l’égard des enfants. Le jeu avec les mots permet là encore de brouiller les pistes. « La Maison », forcément, cela résonne avec la « Maison Verte », mondialement connue. Cela permet de mélanger deux registres opposés : l’accompagnement bienveillant et l’entraînement au développement de la gestion de soi (p.21) ainsi que le développement de trois niveaux d’efficacité : social, conceptuel, linguistique, selon les scores exigés par les statistiques PISA (p.24). Mais, l’expression d’« exposer l’enfant aux livres » témoigne aussi de l’effet de contamination du discours ambiant même sur les experts.
Dire que l’enfant est exposé aux livres le considère comme passif, comme il l’est face aux écrans, et confond donc deux situations inconciliables. Bien que critiques à l’égard des écrans (p25), les auteurs préconisent simplement une réflexion des industriels quant à la qualité des logiciels pour les petits enfants, mais non leur interdiction. On interdit l’alcool aux petits mais pas l’intoxication aux les shoots de dopamine. Dans les années 70 on pouvait encore rencontrer des familles qui mettaient une gorgée d’alcool dans le biberon pour endormir leur petit. C’était très vilain. Mais personne ne s’insurge aujourd’hui contre le fait qu’on mette le téléphone portable avec musiquette dans le berceau ou qu’on colle le jeune enfant devant un écran pour avoir la paix quand on prépare le repas du soir.
La lecture est autre chose. Des recherches ont d’ailleurs montré que ce ne sont pas les mêmes circuits de l’attention et de la mémoire qui sont concernés par les deux activités, selon qu’on est passif ou actif face à une image. L’effet n’est, du reste, pas le même non plus. Les auteurs du rapport soulignent le bienfait de la lecture à haute voix pour l’enfant et disent, combien il est différent pour un enfant d’entendre une chanson de la bouche des parents ou d’un jouet mécanique. (p29). Dommage que leur conclusion soit le constat que cela permet de réguler les émotions, voire, d’apprendre à s’autoréguler. Si les berceuses et histoires ne servaient qu’à cela, ce serait bien triste.
L’homme-machine est partout dans les signifiants qui parsèment ce rapport des 1000 premiers Jours.
Par ailleurs, les auteurs insistent sur le fait que les parents doivent veiller à la qualité et la régularité du sommeil et insistent sur la qualité de l’attention qui doit être portée à l’enfant et à ses jeux. Le rapport contient une somme importante de suggestions utiles, quoique point nouvelles.
Ils notent aussi les injustices sociales auxquelles il faudrait trouver une réponse plus adéquate. On ne peut que saluer leur remarque à propos de la pauvreté. Ils notent la différence criante entre les familles aisées et les familles démunies face aux structures de prise en charge de leurs enfants durant le temps de travail des parents. Riches et pauvres ne sont pas logées à la même enseigne. Ceux qui ont le plus besoin d’une aide par la collectivité en sont les plus dépourvus. En effet, crèches et assistantes maternelles sont pour beaucoup de familles financièrement mal loties simplement inabordables. Oui, il y a effectivement des choses à inventer. Mais comment ?
un système autoritaire
Ce rapport vise à justifier la création des Maisons des 1000 premiers Jours. La présentation est séduisante et comporte un ensemble de propositions intéressantes. Même l’idée de regrouper les différents services autour de l’enfant en un même lieu est astucieuse, facilitant aux jeunes parents l’ensemble des démarches. L’encouragement des municipalités à inventer encore et encore des modalités d’accueil et d’accompagnement des familles, on ne peut que le saluer ; mais le mélange de discours entre la description de « l’homme machine » que vise l’éducation aux compétences et la prise en charge bienveillante et attentionnée d’un bébé crée un filtre de lecture qui brouille les pistes. Ce n’est probablement pas un hasard.
Car au beau milieu de ce rapport sont glissées des préconisations très particulières. Elles se nichent dans les pages 43, 52, 53 et 58. Cela évoque la savoureuse boulette de viande qui enrobe la pilule amère qu’on offre à son chien pour qu’il ne refuse pas d’avaler son médicament. Ces propositions préconisent de rendre obligatoires à la fois l’entretien prénatal précoce et ce qu’ils appellent des « rencontres multifamilles » dans La Maison des 1000 premiers Jours, afin d’observer les enfants dans « des situations écologiques avec d’autres enfants ». Il s’agit donc ni plus ni moins d’observations préventives obligatoires. Tout cela relève tout de même d’une gestion étatique autoritaire. Il s’agit de repérer l’évolution « typique ou atypique », plaisant euphémisme pour l’introduction de la gestion médico-psycho-sociale, d’un fichage. L’enfant « typique » habiterait-il en appartement haussmannien et l’enfant « atypique », en caravane ? L’un aurait-il des performances précoces remarquables, et l’autre, un « retard de langage » ? La bienveillance est le manteau pudique jeté sur la surveillance. Les familles doivent apprécier.
Entretemps l’entretien prénatal précoce est déjà devenu obligatoire, depuis la loi votée le 24/12/19. Beau cadeau de Noël. On imagine le nombre de députés présents ce jour dans l’hémicycle. Le résultat ne s’est pas fait attendre : ceux des jeunes parents qui souhaitent parler à leur sage-femme, le font comme avant, spontanément. Les autres parents se soustraient à cette obligation qu’ils estiment intrusive, en prenant rendez-vous, puisqu’il le faut, mais ne viennent pas à l’entretien. Ils se protègent comme ils peuvent. En effet, c’est tout autre chose que de pousser les portes des différentes maisons crées à la suite de la Maison Verte qui ont comme position éthique de garder l’anonymat des personnes et se refusent de collaborer avec les structures officielles. Pour être libre, la parole doit être facultative.
Apparemment ce désir de contrôle fonctionne comme le monstre du Lochness. Car environ tous les vingt ou trente ans, le projet revient à la surface : dans les années 1970 il y a eu les préconisations des projets GAMIN, (« Gestion Automatisée de la Médecine Infantile ») puis l’expertise de l’INSERM sur les troubles de la conduite chez l’enfant et l’adolescent en octobre 2005 qui a donné lieu à la publication du manifeste « pas de 0 de conduite ». Donc il est temps d’y repenser ! Cette fois-ci, le contrôle commence dès avant la conception par un entretien préconceptionnel (p48). On entre donc même dans le plus intime d’un couple, le désir d’enfant. Il est vrai que depuis la naissance des réseaux sociaux, intime et extime s’inversent. Préparation à l’accouchement et à l’accueil d’un enfant, projet vertueux s’il en est, peuvent ainsi être récupérés au bénéfice d’une surveillance qui risque davantage de braquer les familles que de les aider. Le « Plan Périnatalité et Enquêtes Périnatales Françaises » met définitivement le fichage en place. On peut le regretter.
Paris, le 6 décembre 2020
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