Editorial : Signifiant nouveau
Par Nicolas Dissez
Dans son édition précédente, le Journal de Bord de l’Ecole Psychanalytique de Sainte-Anne avançait une expression inédite, celle de psychiatrie lacanienne. Depuis, ce signifiant ne cesse d’être diffusé et de rebondir, c’est à dire de s’imposer. Le séminaire de Marcel Czermak s’est longtemps intitulé « D’une psychiatrie qui ne serait pas du semblant ». Cette psychiatrie a aujourd’hui un nom, mais comme il est de règle, ce signifiant s’est énoncé avant d’être défini comme tel. La psychiatrie lacanienne reste donc à écrire. « Que les types cliniques relèvent de la structure, voilà qui peut déjà s’écrire quoique non sans flottement » avançait Lacan dans son introduction à l’édition allemande des Ecrits. Il s’agit en effet de savoir si la psychiatrie lacanienne se donne comme trame celle des entités de la psychiatrie classique, disons kraepelinienne, si elle se propose d’introduire un certain nombre d’entités nouvelles – comme celle de psychose sans moi, avancée par Marcel Czermak à la suite d’une présentation clinique de Jacques Lacan – à la suite d’une présentation clinique de Jacques Lacan –, ou si elle ambitionne de rendre compte d’un certain nombre de solutions élégantes propres à la psychose dont seule la topologie des noeuds, qui a occupé Lacan les dernières années de son séminaire, peut rendre compte. Les dernières journées annuelles de l’Ecole psychanalytique de Sainte-Anne ont avancé plusieurs propositions de ce type dans le champ de la Psychose maniaco-dépressive. Ce numéro du Journal de Bord en reprend les interventions conclusives. Le succès de ces journées, l’élan qu’elles ont suscité incite à poursuivre les travaux pour établir cette psychiatrie qui ne serait pas du semblant. « La folie change de nature avec la connaissance qu’en prend le psychiatre » affirmait Jacques Lacan en 1947 lors d’un échange avec Lucien Bonnafé. Dans une période où le désintérêt des psychiatres concernant les enjeux du fait clinique se fait préoccupant, dans un moment où la folie est l’objet de phénomènes de ségrégation renouvelés, cette assertion situe les enjeux qui sont ceux de la psychiatrie lacanienne.