Ce dernier livre écrit par Jean-Jacque Tyszler poursuit le travail qu’il avait réalisé magistralement dans un de ses précédents livres, celui qui s’intitule « A la rencontre de Freud ».
Ici, la rencontre reste celle de Freud et de Lacan évidemment, réactualisée à partir de son expérience de psychanalyste en cabinet , mais aussi de la rencontre des enfants et adolescents dans son service de la MGEN à Paris, ainsi que de la rencontre de ceux qu’il nomme « sujets de l’exil ».
Cette clinique vient interroger ce avec quoi nous tentons d’opérer comme analyste. Le fil choisi dans cet ouvrage est celui du fantasme, comme il le fut dans son séminaire « Le fantasme fait-il nœud ? », tenu de 2006 à 2008.
L’on ne sort pas indemne de la lecture de ce livre car il nous force à devoir « reconquérir » selon l’heureuse citation du Faust de Goethe par Freud dans « Totem et tabou » ce qui nous a été « légué » par les fondateurs de la psychanalyse et par cet essai de transmission.
Jean-Jacques Tyszler a un style qui ne facilite pas toujours notre « appropriation » de ce qu’il avance car il procède par jumps fréquents, bondissant d’un point à un autre avec l’agilité d’un bouquetin des Alpes, mais il nous laisse quelques formules fulgurantes, en forme d’aphorismes qui nous marquent et ponctuent le chemin suivi.
Citons-en quelques unes qui indiqueront quelques arêtes de ce parcours :
-« Ne pas figer les choses de force sur l’effroyable »
-« Je suis battu au nom du Père »
-« Le rejet de l’autre est devenu le versant sombre de notre nouvelle économie psychique »
-« Les chiffres remplacent la littéralité de l’inconscient »
-« Il y a à la fois trop et pas assez de narcissisme dans la clinique contemporaine »
-« Sous l’apparente modernité, il y a aussi des questions éminement classiques qui nous viennent de la nuit des temps »
-« Le propos d ‘Encore n’est pas passé dans la culture »
-« …dans sa vie une femme va beaucoup devoir s’exiler »
-« La lettre est l’aube et le destin »
-« Ne jamais laisser choir la sexualité infantile »
Nous pourrions en citer maintes autres, mais celles-çi indiquent déjà comment nous pouvons réaborder la clinique actuelle avec les outils , les opérateurs fondamentaux de la psychanalyse ( fantasme, pulsion, identification, …).
Ceci va amener Jean-Jacques Tyszler à maintenir l’appellation « Névrose » pour nommer cette clinique actuelle, mais en la spécifiant de « névroses a ».
Ce livre est une lecture éveillante de la culture dans laquelle nous baignons et dont il nous faut tenir compte, comme le rappelle Lacan dans sa première leçon du séminaire « L’éthique de la psychanalyse » : « …l’expérience de la psychanalyse est hautement significative d’un certain moment de l’homme, celui dans lequel nous vivons sans pouvoir toujours , et même loin de là, repérer ce que signifie l’œuvre dans quoi nous sommes plongés : l’œuvre collective, le moment historique,… » .
Or Jean-Jacques Tyszler insiste avec raison sur le fait que le fantasme est le résultat d’un lien structural entre le social et l’intime.
Et cerise sur le gâteau, il se termine par un texte très juste d’une de ses collaboratrices à la MGEN, Ilaria Pirone, sur les questions des hontes et de l’hospitalité.
Ce livre s’adresse d’abord aux psychanalystes et à tous ceux qui sont orientés dans leur travail par la psychanalyse. Mais nous ne pouvons que souhaiter qu’il trouve un jour une suite, s’adressant cette fois-çi à un public le plus large possible.
Etienne Oldenhove