Par Cyrille Deloro

Transcription du séminaire doctoral de l’UTRPP « Qui est schizophrène ? », en collaboration avec le pôle 7ème du Centre Hospitalier Sainte-Anne

 

Quand tu m’as proposé d’intervenir, j’étais en train de préparer le papier sur Politzer, j’étais dans Kant et l’Anthropologie du point de vue pragmatique, et je m’étais dit que je pouvais faire quelque chose sur les racines philosophiques de la schizophrénie. Je ne sais plus à partir de quand ça a complètement dérivé, mais il s’est agi assez vite d’essayer de comprendre, dans la réception de Bleuler, pourquoi Paul Guiraud en 1950 au premier congrès mondial de psychiatrie, avait surtout retenu de Bleuler l’approche phénoménologique. Bleuler phénoménologue, en 1911, Groupe des schizophrénies, en 1916 premier Traité de psychiatrie, 1923 et 1930, dernières éditions du Traité, ça me paraissait un peu étrange. Et j’ai été amené à lire ou plutôt à travailler le Groupe des schizophrénies de façon un peu différente, avec l’option CTRL+F, qui permet d’ouvrir des regards un peu étranges dans Bleuler. Mon papier est devenu une histoire de la psychiatrie qui assume une position polémique, une réponse à une certaine mythologie autour de Bleuler, en allant regarder un peu de plus près, disons : Bleuler dans l’époque. Alors je préviens tout de suite que j’espère dire des horreurs que vous n’aurez peut-être pas entendues jusqu’ici, et pour corser la note tout de suite je pense que mon papier aurait pu s’appeler l’Einsatzsgruppe der Schizophrenien.

Il s’agit de s’interroger sur la réception effective de la génération des vieux psychiatres – quand je dis vieux psychiatres ce sont les psychiatres nés dans les années 1850-70 c’est-à-dire Kraepelin, Bleuler, Freud, Bumke, Wilmanns, leur réception directe par leurs assistants, et leurs devenirs du côté du nazisme : comment ils ont lu l’extension du groupe des schizophrénies.

 

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Je dois rappeler que l’Allemagne de l’entre-deux-guerres connaît un certain problème : faire de la place dans les hôpitaux. Et du tri, tant qu’on y est. En 1880 on comptait 47 228 patients dans des asiles publics, 239 583 en 1913, soit cinq fois plus au cours d’une période où la population totale n’avait pas tout à fait doublé[1]. La question de la dégénérescence, de l’espoir qu’on met dans le traitement et dans le malade, vont justifier des points de vue assez pragmatiques. On va régler ce problème tout de suite : non, Bleuler n’a pas modifié ses opinions sur l’eugénisme ou l’hygiène raciale à cause du nazisme. Il les avait déjà, dans le Groupe des schizophrénies de 1911, il les a même radicalisées dans le Manuel de Psychiatrie de 1916 et 1923. Donc oui il meurt en 1939, mais il ne s’est jamais élevé contre la sélection naturelle ou la stérilisation, au contraire il les a promues, bien avant que le nazisme lui demande quoi que ce soit.

Dans Dementia Praecox ou Groupe des schizophrénies, 1911, section 8, Häufigkeit und Verbreitung, « fréquence et propagation » : « Inwiefern Rasse und aüssere Verhältnisse die Form der Krankheit beeinflussen, weiß man noch nicht »[2]. Dans quelle mesure la race et les conditions externes influencent la forme de la maladie, on ne le sait pas encore. Ça entraîne de nombreux développements, mais jusqu’ici tout va bien. Mais au chapitre sur la thérapie : « Espérons que la stérilisation pourra être bientôt ici utilisée à plus grande échelle (in größerem Maßstab angewendet werden), tout comme sur d’autres malades capables de coït, pour des raisons d’hygiène raciale (aus rassehygienischen Gründen) »[3].

Dans le Manuel de 1916 et 1923, au chapitre sur la propagation, il écrit : « Die Krankheit kommt bei allen Rassen und jeder Kultur vor »[4]. Là encore, la maladie survient dans toutes les races et dans toutes les cultures (mais les Juifs « seraient particulièrement prédisposés aux maladies mentales, en particulier à la folie maniaco-dépressive et à la psychonévrose »[5]). Mais à la section sur « le traitement des maladies mentales en général », le ton change : « On a fait très peu en matière de prophylaxie, et sans un changement général de point de vue et de législation très peu pourra être fait. Les cas les plus lourds ne devraient pas se reproduire (Schwerer Belastete sollten sich nicht fortpflanzen). Une ‘stérilisation sociale’ a été proposée ; d’autres la condamnent comme une inutile ‘ingérence dans les droits de l’homme’ (ou droit des gens, Menschenrechte). Cependant, de nombreux malades et dégénérés seraient eux-mêmes très satisfaits de l’opération, et si l’occasion n’est pas particulièrement fréquente, elle peut être utile dans des cas individuels. Soit dit en passant, l’idée est extensible (ausdehnungsfähig) ; mais déjà on s’effraie. Je ne suis pas effrayé (aber gerade das fürchtet man wieder. Ich fürchte es nicht) ; tant que la façon de penser en vigueur n’aura pas complètement changé, le danger d’en faire trop (eine Übertreibung, le danger d’une exagération) n’apparaîtrait que si la pratique allait plus vite (vorauseilen) que le développement des idées, et ne discrédite ainsi pour longtemps ces mesures.

« Mais si nous ne faisons rien d’autre que rendre des estropiés (Krüppel) mentaux et physiques capables de se reproduire, et que les souches compétentes (tüchtigen Stämme) doivent limiter leur nombre d’enfants parce qu’il y a trop à faire pour la préservation des autres, si l’on supprime la sélection naturelle, alors, si nous ne prenons pas des nouvelles mesures de masse, notre race doit rapidement se détériorer »[6] (muß es ohne neue Maßregeln mit unserem Geschlecht rasch rückwärts gehen, aller rapidement à reculons). A noter qu’il dit Geschlecht plutôt que race, Geschlecht désignant le sexe ou le genre.

Bleuler a résisté à la question du sexuel portée par le freudisme, mais préconisé la castration (Kastration) comme stérilisation des malades mentaux[7]. A l’inverse, vous entendez qu’au moment où Freud utilise ce mot il avait un tranchant autrement réel que métaphorique. Ce ne sont pas seulement ses assistants (Rüdin, Jung, Maier) qui vont propager ces idées, ni l’article de Alfred Hoche sur « les vies qui ne valent pas la peine d’être vécues »[8], il les a lui-même largement diffusées.

L’idée de supprimer une partie des pensionnaires n’attendait en somme que le feu vert. Je vous donne le texte de Hoche de 1920 : « On immobilise des milliers de membres du personnel pour des tâches complètement stériles, alors qu’on les enlève à un travail utile. Il est pénible de penser que des générations entières de soignants vieillissent à côté de ces enveloppes humaines vides, dont beaucoup atteignent 70 ans ou plus. La question de savoir si les dépenses nécessaires pour ces existences-fardeaux (Ballastexistenzen) étaient justifiées n’était pas urgente dans un passé de prospérité. Il en va différemment à présent et nous devons nous en préoccuper sérieusement. (…) Notre devoir allemand exigera pour longtemps une concentration maximale de toutes les possibilités, un dégagement de toutes les capacités de rendement disponibles pour des buts utiles. À l’accomplissement de ce devoir s’oppose la tendance moderne de conserver le plus possible les débiles de toutes sortes en prodiguant soins et protection à tous. Même à ceux qui ne sont pas morts mentalement, mais qui, selon leur constitution sont des éléments de moindre valeur. Ces efforts ont une portée particulière dans la mesure où il n’a pas été possible, jusqu’à présent, d’essayer sérieusement d’exclure ces êtres défectueux de la procréation »[9].

Vous vous doutez que la schizophrénie est le premier groupe visé[10]. A la limite, on a tout intérêt à ce qui soit le plus large possible. Entre 1924 et 1929, le nombre de patients hospitalisés en psychiatrie passe de 185 397 à plus de 300 000, malgré une durée moyenne de séjour passée de 215 à 103 jours. Dans l’asile d’Erlangen près de Nuremberg, le taux de patients schizophrènes passe de 42% à 56%, et les deux tiers de toutes les nouvelles admissions reçoivent ce diagnostic. De 1939 et 1945 on estime qu’entre 220 000 et 269 500 personnes atteintes de schizophrénie ont été stérilisées ou tuées. Ce total représente entre 73% et 100% de tous les individus diagnostiqués schizophrènes en Allemagne[11]. Et maintenant vous vous souvenez que Bleuler, entre 1911 et 1916, a déjà fini d’appeler de ses vœux la stérilisation à grande échelle, pour demander que les souches saines ne se poussent pas trop pour les estropiés.

 

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Voilà. C’était pour vous enlever l’idée d’un Bleuler humaniste novateur, d’un philosophe un peu rêveur de la psychanalyse dans la psychiatrie. Par contraste, notez que Le groupe des schizophréniesn’a entraîné aucune réaction de Kraepelin. La 8ème édition de son Traité de 1913 se contente d’intégrer ce que dit Bleuler parmi d’autres, et taper sur Freud et Jung qu’il juge « un château dans le ciel ». C’est encore tôt pour parler de succès commercial d’un nouveau concept, il garde démence précoce. Sur 700 pages, aucune occurrence des mots Rassehygien ni Hygien. Rasse apparaît une fois en lien avec le climat, seulement 7 occurrences de Schizophrenie. En aucun cas cela ne dédouane Kraepelin, qui est sans doute aussi antisémite que Bleuler mais moins efficace dans son eugénisme. La question n’est pas de savoir qui est nazi et qui ne l’est pas (aucun des deux), mais de savoir ce que le discours interdit au nom de la prudence médicale, ou autorise au nom du contrôle social.

Aucune trace du mot stérilisation dans la 8ème édition du Traité. Kraepelin parle sarcastiquement du « traitement héroïque » de Lomer[12] en disant que « personne n’aura le courage de le suivre », avant d’évoquer un cas d’auto-émasculation (Entmannung) d’un patient à lui, d’ailleurs médecin, mais suivie d’aucune amélioration. « Puisque nous ne connaissons pas les vraies causes de la démence praecox, nous ne pourrons pas penser à les combattre pour le moment »[13]. De manière générale, les vieux psychiatres auront du mal à assimiler la doctrine eugéniste : Kraepelin, Bleuler, Bumke, ou Karl Wilmanns, un des rares à la contester. Leurs assistants en revanche vont la pratiquer. Et l’on verra le diagnostic de schizophrénie se subordonner à des questions moins médicales que pratiques, secondairement justifiées par des discours juridico-idéologiques.

Les archives suisses de neurologie et de psychiatrie donnent une idée de la nature des débats du Burgöhlzli[14]. Hans Wolfgang Meier, pas n’importe quel assistant de Bleuler puisqu’il lui succédera en 1927, discute avec Françoise Minkowska et Ludwig Binswanger de la pertinence de la stérilisation aux points de vue légal, social, médical. L’on s’aperçoit vite que les notions de consentement du malade et de sa famille, de dangerosité et d’incurabilité sont trois leviers qui vont tour à tour s’abaisser et permettre de passer d’une stérilisation sur indication psychiatrique encadrée par un code pénal, à une stérilisation obligatoire de masse déléguée au corps médical. 1) Consentement : le patient est une charge pour l’Etat, on soulage sa famille d’un fardeau, et c’est à elle qu’on va finalement demander le consentement (cf. Hoche en 1920 : la libéralisation de l’euthanasie est réellementcharitable parce qu’elle passe par le soulagement des souffrances familiales). 2) Dangerosité : dans les pages de Bleuler sur la schizophrénie simple on verra que tout le monde est potentiellement dangereux, donc potentiellement menacé par tous les autres et ainsi placé en état de légitime défense (rhétorique nazie) 3) Incurabilité : on lit partout que Bleuler a offert « un immense espoir de guérison », mais en fait il n’y a qu’à renommer « stérilisation » en « thérapie sociale », ce qu’il fait, pour que la stérilisation devienne effectivement l’espoir de guérison.

Et l’on justifie ainsi l’extension (Bleuler parlait d’extensibilité, ausdehnungfähigkeit) de la castration des délinquants sexuels aux « idiots de bonne humeur » (gutmütigen Idiotinnen). Meier a beau noter que les tentatives sur les schizophrènes ont surtout échoué, à lire les diagnostics des patients stérilisés on s’aperçoit qu’ils ressortissent tous plus ou moins des catégories krapeliniennes de la démence précoce (imbécillité, défauts moraux (moralisch Defekte), Pfropfschizophrenie – schizophrénie sur trouble léger de l’apprentissage, hébéphrénie, catatonie), pervers, délinquants sexuels (satyres, pédérastes, exhibitionnistes), et enfin hystériques et épileptiques qui sont un classique depuis Charcot. Donc la schizophrénie devient un « gruppe » (je n’arrive plus à le dire autrement qu’en allemand) unifié sur lequel on opère. Au sens brutal. Et les statistiques des hôpitaux montent en flèche. Voilà : je ne dis pas que Bleuler est pour quelque chose dans le programme AktionT4, mais on verra que la violence du traitement est largement contenue dans la doctrine elle-même. Maintenant allons lire de plus près.

 

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Bleuler faisait des choses avec les mots. Sa création verbale de l’aut-isme n’était pas une opération anodine : enlever la chose pour obtenir le mot[15]. Qu’en est-il pour schizo-phrène ? Est-ce qu’il n’est pas construit comme une simple variation, rime, homéotéleute, aux mots paraphrène(Kahlbaum, 1863), hébéphrène, héboïdophrène (Kahlbaum, 1890) qui l’inscrivent non pas d’abord dans une famille de concepts, mais plus simplement dans une famille de mots ? Qu’est-ce qui était disponible en suffixes -phrène dans son bagage lexical, qu’est-ce qui était disponible en préfixes schizo- ? Depuis quand parle-t-on des schizocytes par opposition aux pyknocytes ? Depuis quand en médecine schizo– (déchiré, fendu, endommagé) est-il l’antonyme de pykno– (dense, compact, épais) ? Sous quel angle ?

J’aimerais souligner qu’aucune hypothèse philosophique, aucune thèse sur la structure du malade, ne préside réellement à la formation du mot schizo-phrène par Bleuler. Il témoigne seulement des us et coutumes terminologiques de son époque. L’étymon -schi vient de la zoologie descriptive, organismes qui paraissent fendus en deux dans le sens de la longueur, sur le modèle de schizopode(1819). Mais plus qu’un mot néoformé, on ne passe pas loin d’un usage néologique, si l’on se souvient que pieds et sabots fendus renvoient, dans deux ou trois religions, à des imaginaires précis (cacherdans le judaïsme et diable dans le christianisme). On le retrouve du côté de la parasitologie (schistosoma), des pathologies qu’elle entraîne (schistosome), de la tératologie (schizocéphale), de la schizogonie (cycle de multiplication des sporozoaïres). Sans grande surprise il passe de la zoologie au vocabulaire médical via la parasitologie et ne semble pas se rencontrer avant 1858 (Weinland). Sur deux lignes nous avons 1) une visée descriptive, sa proximité ambiguë avec une vision normative, 2) une néoformation de mot décliné sur un paradigme purement verbal. J’insiste sur cette discordance pour qui connaît la suite : l’intérêt porté au néologisme, la schizophasie, philologie à vide,jargonaphasie, qui seront les signes pathognomoniques de la même psychose que le mot essayait de nommer[16].

Voilà pour le mot, mais l’idée ? Après tout on n’a pas attendu Bleuler pour parler de repli sur soi (in sich gekehrt zu sein), de trouble du sens interne, de structure double du sujet (Kant), de déchirement de la conscience (Hegel). Si l’on y regarde de plus près, l’opération depuis les éditions 4-5-6 du Traité de Kraepelin consistait à rassembler en un même « groupe » hébéphrénie, catatonie, et démence paranoïde, pathologies déjà repérées et appartenant chacune à différents axes de la psychiatrie. L’hébéphrénie (Hecker, 1871) relevait de considérations développementales sur le blocage à la puberté ; la catatonie (Kahlbaum, 1874) provient de la neurologie, la démence paranoïde est une tentative d’importer la sémiologie de la paranoïa dans la démence précoce.

La 6ème édition disait : « La présentation clinique unique (Einzeldartsellung) de la grande zone de démence praecox rencontre des difficultés considérables car il n’est possible que de délimiter artificiellement (künstlich) les différents tableaux cliniques. Il existe un certain nombre de modèles récurrents, mais il y a tellement de transitions (Übergänge) entre eux que malgré tous les efforts aujourd’hui, il semble impossible d’attribuer à chaque cas une forme bien déterminée. Le regroupement tenté ci-dessous n’a donc d’autre valeur que celle de la clarté (Übersichtlichkeit). Il est possible qu’une connaissance plus détaillée de la nature de la dementia praecox nous donne des points de vue pour la classification clinique de cette zone, qui nous sont encore totalement inconnus aujourd’hui »[17]. La 8ème et avant-dernière édition dit : « Pour cette raison, j’ai jusqu’à présent décrit les tableaux cliniques à l’étude sous le nom uniforme de démence praecox, et Bleuler les a également tous ajouté dans son Groupe des schizophrénies sans autrement essayer de décomposer ce groupe. »[18] – deux fois le mot groupe.

L’ajout de Bleuler est la schizophrénie simple : une hypothèse psychopathologique pour introduire une lisibilité dans la symptomatologie. Cette théorie (tout le livre II du Groupe des schizophrénies) unifie des pathologies de diverses disciplines en une doctrine qui porte d’abord sur l’unité du discours psychiatrique, et incidemment sur le morcellement de la personnalité. Quand il repère la dysharmonie commune à ces tableaux, il relève l’incohérence des symptômes. L’incohérencecomme critère d’unification. Mais tant qu’il y était, pourquoi n’a-t-il pas mis d’autres choses aussi incohérentes dans son groupe ? la poésie, la musique de Schönberg, l’art dégénéré ? De fait : après sa « découverte » de la schizophrénie, il finira par promouvoir la « pensée autistique ». L’autisme devait lui paraître la seule manière de se protéger de son propre morcellement.

Dans les mêmes années, Chaslin avait fait le groupe des « folies discordantes » à partir d’un constat sémiologique proche. Mais il n’en faisait pas une unité au même sens que Bleuler. Il disait « type d’attente ». Bleuler, groupe « à préciser ». La différence est que Chaslin n’a pas besoin d’une théorie du sujet. On trouvera bien chez lui une éthique, qu’on pourrait même qualifier de rapport du sujet au Réel, mais d’hypothèses sur la formation, le morcellement, la dynamique du Moi, il n’est pas question.

La dissociation de Bleuler était une thèse sur le patient. La discordance de Chaslin était une question sur le regard du médecin. Ce n’est pas du tout le même geste. La dissociation est une induction diagnostique appliquée à la sémiologie, elle regroupe une liste hétéroclite de signes (secondaires : athymhormie, apragmatisme, aprosexie, alexithymie, anhédonie, etc., a-privatifs qui n’ont en commun que d’apparaître en défaut et n’être perceptibles que par leur manque[19]) en vue de les interpréter comme autant de défenses contre des signes primaires (blocage, relâchement, fuite des idées, etc.). La discordance de Chaslin était une question sur la légitimité de lier une synthèse de signes au jugement ou au type d’après lequel ces signes discordent. C’est une question pour l’observateur. Vous voyez où je veux en venir : Chaslin parle pour lui. Bleuler parle pour l’autre, il fait une théorie du sujet.

 

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J’ai dit que la schizophrenia simplex portait l’ensemble de l’édifice. Deux pages de 1911 montrent l’infernale circularité de la démarche théorico-clinique où s’enferme Bleuler. 1) il y a de la schizophrénie latente 2) On la reconnaît à ce qu’elle ne présente pas les symptômes accessoires (à quoi on pourrait précisément l’identifier) 3) elle est présente qualitativement chez tout le monde 4) elle apparaîtra plus tard.

Les schizophrènes simples : « Vous pouvez les voir davantage pendant les heures de bureau, aussi bien chez les proches du patient pour lequel vous êtes consulté que chez le patient lui-même. Aux grades inférieurs, les schizophrènes simples végètent comme colporteurs, journaliers, même comme domestiques, mais ensuite comme vagabonds comme d’autres de degré encore moindre. Aux niveaux supérieurs, [c’est] le type commun des incompatibles (unverträglichen), constamment chamailleurs (beständig keifenden), revendicateurs (Ansprüche machenden), mais non conscients de leurs devoirs (…) Un grand nombre de personnes se méfient de la schizophrénie simple sans pouvoir en confirmer le diagnostic à un moment donné. Très souvent, cependant, la présomption est confirmée en temps et en heure, de sorte qu’il est tout à fait incontestable que de nombreux schizophrènes courent partout, dont les symptômes ne sont pas suffisamment prononcés pour faire connaître (erkennen lassen) la maladie mentale. Si vous regardez les proches de nos patients, vous pouvez souvent retrouver en eux des particularités qui sont qualitativement identiques à celles des patients eux-mêmes, de sorte que la maladie n’apparaît que comme une augmentation quantitative (eine quantitative Steigerung) des anomalies chez les frères et sœurs et les parents. »

« Il y a donc une schizophrénie latente, et je crois presque que cette forme est la plus courante, bien qu’elle soit rarement traitée comme telle. Décrire les manifestations de la schizophrénie latente n’en vaut probablement pas la peine. Tous les symptômes et combinaisons de symptômes qui peuvent être observés dans la maladie peuvent y apparaître in nuce (nutshell, en résumé, mais aussi : à l’état embryonnaire). Des personnes irritables, étranges, capricieuses, seules, exagérément ponctuelles suscitent des soupçons de schizophrénie. Souvent, l’un ou un autre symptôme catatonique ou paranoïaque est caché (versteckt), et les exacerbations de divers habitus développés au fil de la vie, prouvent que toutes les formes de la maladie peuvent être latentes »[20]. Franchement, vous lisez de la psychiatrie ou un traité de déstabilisation propagandiste ?

En apparence c’est la vieille frange de la demi-folie, folies avec conscience ou manies sans délire, le groupe des folies raisonnantes de Jules Falret. Mais Falret n’a jamais pensé que c’était un « groupe naturel », il s’excusait déjà de faire une « réunion artificielle de faits disparates »[21]. Il semble que Bleuler ait franchi là un pas bien mal assuré au niveau théorique et méthodologique pour construire une philosophie du sujet. On est schizophrène comme on est juif : essentiellement, et de manière invisible. En déterminer le degré dépend de la sensibilité de l’observateur. Aucune chance d’y échapper. On est juif dans le regard d’autrui, on est schizophrène dans le regard du psychiatre. Si j’ajoute que la schizophrenia simplex est la seule opération nosographique de Bleuler, les autres formes étant déjà rassemblées par Kraepelin, ça fait cher payé l’envolée philosophique. Vous me direz que l’URSS a utilisé le même diagnostic pour les opposants politiques avec la schizophrénie torpide. Mais même un sympathisant nazi comme Oswald Bumke va trouver que là Bleuler va trop loin. Seul Kretschmer y verra une sorte d’autorisation au tout-schizophrène.

 

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Etudier la schizophrénie, c’est tôt ou tard découvrir à quel type de mouvement de pensée on appartenait soi-même. Personnellement plus j’avance et moins je comprends qu’elle relève de la psychiatrie, de la médecine ou de n’importe quoi. In fine c’est de la mauvaise philosophie. Comme les théoriciens de la schizophrénie font une théorie du sujet sans en avoir les compétences ni la prudence, chacun ne trouve que ce qu’il a projeté. Généticiens, neurologues, psychopathologues, psychologues : chaque discipline peut se sentir légitimement et partiellement reflétée dans le miroir de la schizophrénie, mais peut du même coup revendiquer sa part et représenter pour les autres une menace d’annexion. La superstructure en apparence la plus moniste dessine en réalité la carte d’un morcellement de la psychiatrie, et je trouve ironique qu’à faire de l’incohérence des symptômes le principe d’ordre d’un groupe clinique, on ne récolte en somme qu’une incohérence épistémologique globale.

Ernst Rüdin fonde la psychiatrie génétique sur une escroquerie intellectuelle. Oswald Bumke lève la difficulté d’un syndrome purement théorique et conclut que la schizophrénie n’est pas un concept nosologique stable (intuitivement je lui donne raison), Kurt Schneider essaie d’arranger le désordre de la fidélité inter-juges et réorganise les symptômes de premier et de deuxième rang, Henricus Rümke inspiré par Jaspers fait dans le sentiment atmosphérique et le Praecoxgefühl, Karl Kleist essaie de localiser la schizophrénie dans les zones du langage. Chacun navigue sur la planète qui lui plaît et dit n’importe quoi. En attendant c’est cure de Sakel et stérilisation sociale pour tout le monde. Il y a là un hiatus théorico-pratique.

Le cas Ernst Rüdin est intéressant : d’abord parce qu’il a été assistant de Bleuler puis de Kraepelin, qui lui a donné les clefs de la recherche en génétique sur la démence précoce. Ensuite parce qu’il est le premier dans l’histoire à développer un concept de « pronostic génétique empirique ». C’est un mendélien kraepelinien qui veut prouver « l’hérédité et réapparition de la démence précoce » [22]. Sans grande surprise, son étude de 1916 montre que le risque de schizophrénie dans la fratrie est accru par un diagnostic parental d’alcoolisme, des antécédents de schizophrénie chez des parents au deuxième ou au troisième degré et, en général, par un diagnostic de psychose chez les parents. Mais ses résultats ne montrent aucun risque significatif de transmission chez les frères et sœurs pour que la schizophrénie soit due à un gène récessif. Donc qu’est-ce qu’on fait dans ces cas-là : ou bien on admet que la génétique n’est pas tout, et on fait un peu d’épigenèse (ce que lui répondront Bleuler et Bumke), ou bien on s’acharne et on postule un deuxième gène, caché, à déterminer.

Ce qui amène deux remarques : 1) historiquement, la schizophrénie c’est l’arrivée du faux positif dans la recherche scientifique. La science génétique est née de ce forçage. 2) et ce forçage est tel, que dans son article sur la maniaco-dépression, cohorte au long cours entre 1922 et 25 alors qu’il préside le service de recherche psychiatrique de l’hérédité de Munich, et alors que sa méthodologie est encore saluée par des articles américains récents, il conclut sur un négatif : il n’y a pas de transmission montrable. Et Rüdin ne publie jamais cet article qui n’a été déterré que récemment, parce qu’il était contraire à ses propres opinions nazies : il n’y a pas ce qu’il cherchait. Allemands et Américains sont beaucoup plus tranquilles que nous pour souligner ce fait, et je vous renvoie aux articles[23].

De 1933 à 45, il est président de la Société d’hygiène raciale, qu’il a montée avec Kretschmer. Je vous parle là du père de la génétique psychiatrique : auteur de la loi « prévention contre la transmission des maladies héréditaires » promulguée en 1933 et appliquée en 1939 (Hitler attendait la guerre pour plus de discrétion), grand instigateur du programme AktionT4.

Oswald Bumke. Elève puis assistant de Alfred Hoche en 1906, successeur de Flechsig à Leipzig en 1921 et successeur de Kraepelin à la chaire de Munich en 1924. Neurologue méfiant à l’endroit des psychiatres théoriciens, absolument pas tourné vers les méthodes nouvelles (il a 60 ans quand arrivent les électrochocs, l’insuline, le cardiazol, ça ne l’intéresse pas[24]). C’est également le psychiatre qui a expertisé Georg Elser, le type de l’attentat manqué contre Hitler en 1939. Les motivations anti-nazies devaient lui paraître obscures. Son fait d’arme est d’avoir dit quelque chose sur « la dissolution de la démence précoce » (Die Auslösung der Dementia Praecox)[25]. Quel titre, la dissolution de la démence…

« Les plus vieux d’entre vous se souviendront encore du progrès en apparence triomphal fait par le concept de démence précoce il y quelque 20 ans. Le terrain avait été préparé par Kahlbaum et Hecker, et Kraepelin a donné à ce concept sa forme originale. C’était au temps où Moebius disait, dans sa recension du Traité de Kraepelin : ‘la démence précoce est devenue grosse et grasse (dick und fett geworden)’. En réalité, cette nouvelle maladie en a avalé un grand nombre d’autres plus anciennes. On peut penser que c’est une bonne chose. (…) Mais finalement ce développement a plus ou moins détruit les liens qui étaient censés contenir cette nouvelle création clinique. Ce qui en reste, au lieu de la ‘démence précoce’, est la constitution schizothyme, je préfère l’idée des réactions schizophréniques.

« L’excellente monographie de Bleuler a été une pierre d’angle dans ce développement. (…) J’ajouterai que je reste franchement sceptique sur le concept de degré initial normal de la démence précoce, formulé par Kretschmer, Hoffmann et Bleuler. Mes raisons pour cela sont fondées sur l’expérience clinique et psychologique. Je n’ai pas pu me convaincre que les traits de caractères requis par ces auteurs pour leurs concepts de schizoïdie et de schizothymie soient autre chose que des singularités de l’âme humaine (Eigentümlichkeiten der Mensclichen Seele), que l’on finit par trouver partout où on les cherche, plus ou moins prononcées. Kretschmer lui-même fait une concession que je trouve importante : « nous ne pouvons pas séparer le pré-psychotique, le psychotique et le non-psychotique (nommément dans les schizoïdes) ». (…)

Il reste certainement beaucoup de travail à accomplir dans ce champ. Comme je l’ai dit plus haut, nous devrions essayer d’exclure de la psychopathie les cas qui sont en réalité des cas de schizophrénie déguisée. De cette manière il est possible que des farfelus (Verschrobenen), par exemple, et des excentriques fanatiques, dominés par une idée, manquant totalement de flexibilité, tolérance, empathie, et dépourvus du sens de l’humour, que de tels cas finissent un jour par être exclus de la catégorie des psychopathes. Nombreux cas d’asociaux, parmi les clochards ou les paresseux au travail (Arbeitshäusern), ont d’ores et déjà été recatégorisés comme cas de démence précoce grâce aux études de Wilmanns[26]. (…) Et quand Bleuler promet même de trouver des traits schizoïdes en toutêtre humain (bei jedem Menschen), il est simplement en train d’appeler tout le monde schizoïde (so setzt er eben anstatt Mensch Schizoid) sans rien prouver d’autre, que certains traits humains universels sont préservés jusque dans des cas avérés de schizophrénie (auch beim ausgesprochenen Schizophrenen gewisse allgemein menschcliche Züge erhalten bleiben).

Je suis convaincu que ces personnes calmes, sans passion, qui calculent toute chose sobrement, dont les émotions ne montent jamais haut, et qui peuvent être, avec leurs autres qualités de tempérament, ou bien des égoïstes froids ou des travailleurs très précieux socialement, ne sont pas plus ‘schizoïdes’ ou ‘schizothymes’ que ces caractères réservés et sombres qui sont intérieurement mélancoliques.

Tous ces faits… ont déjà donné naissance à des hypothèses complexes. Il y en a une qui a rarement été considérée. Et si la démence précoce n’existait tout simplement pas ? (…) La question est de savoir si la schizophrénie doit être considérée comme ‘entité clinique’ parmi des désordres organiques, et si toutes les psychoses schizophréniques ont la même cause et la même base biologique. [aucune preuve génétique – il discute avec Rüdin – il admet les facteurs environnementaux]

J’admets volontiers que les conditions schizophréniques tiennent une place particulière parmi les réactions exogènes. Mais il me semble que nous pourrions contrer de nombreux problèmes cliniques de manière plus réaliste si nous commencions par regarder ces syndromes comme des réactions latentes dans le cerveau – ou en tout cas dans beaucoup de cerveaux – et par laquelle les humains peuvent répondre à de nombreuses influences nuisibles. »

J’ai cité longuement parce qu’on n’a pas fait mieux depuis : la schizophrénie de Bleuler est 1) non-médicale 2) non-organique 3) non-génétique 4) doit admettre des facteurs épigénétiques, environnementaux et psychologiques, et 5) ça ne résout rien au traitement des patients de les diagnostiquer. Bumke conclut de façon plus que sceptique qu’une transition de la personnalité schizoïde à une schizophrénie franche paraît impossible. Il rapproche le processus schizophrène des processus des maladies organiques, mais ne trouve que des schémas de réactions exogènes, et non des constitutions psychopathiques. Sans surprise, il place la frontière fonctionnelle séparant des psychoses organiques quelque part entre le maniaco-dépressif et les troubles schizophréniques. Il pose une distinction claire entre développement et processus, une question qui intéresse peu Kretschmer.

J’ai tranché à bloc dans l’article de Bumke, mais vous avez peut-être remarqué qu’il débat beaucoup avec Kretschmer. Parmi les continuateurs de Bleuler, un des grands maillons de l’accueil de France de Bleuler phénoménologue – vous voyez comme on en est loin, est Kretschmer. Un petit mot sur lui.

Pour aller assez vit sur le sujet je vous suggère ce que j’en pense : avec Ernst Kretschmer, les postulats psychologiques ont fini de remplacer les hypothèses cliniques. Il y a de la schizoïdie, il y a de la schizothymie, il y a de la cyclothymie, et Henri Ey en 1932, dira : « rien ne sera plus commode que de prétendre (…) qu’il y a une schizothymie et une cyclothymie comme il y a du rond et du carré ». Ayant supposé qu’au schizoïde nous devons trouver une ascendance schizoïde, tous ces caractères vagues et mélangés, « au lieu de les considérer comme la preuve que notre distinction initiale était artificielle, nous allons les considérer comme représentatifs du tempérament schizoïde et le tour sera joué »[27]. La théorie a fini d’annexer l’observation clinique. Un petit mot sur sa biographie : de 1915 à 1921 il est assistant de Gaupp, le psychiatre de la paranoïa abortive, on distingue mal son œuvre de l’anthropométrie raciale, mais il est d’ascendance juive, critique la race nordique du national-socialisme, anti-stérilisation, démis de ses fonctions l’Institut de recherche en psychopathologie (qui devient l’institut Göring en 34) et remplacé par Jung. Pourtant son œuvre est pour le moins récupérable – il ne sera inquiété ni pendant ni après la guerre.

C’est avec Kretschmer que schizo devient antonyme de pykno : pyknoïdes et schizoïdes forment une bipartition commode, un couple d’opposition commode. On le connaît davantage comme un penseur de la paranoïa – le délire de relations sensitives. Il est aussi celui qui va importer l’opposition entre schizophrénie et paranoïa, ce qui est tout sauf gagné en France à l’époque. Il est pour cette raison l’un de ceux avec qui Lacan discute le plus dans sa thèse de 1932, avec la thèse que je défendais sur la réouverture de la paranoïa comme psychose extensive, élaborative, à partir de ses marges paranoïdes, c’est-à-dire que Kretschmer a permis d’ouvrir. Le délire de relations sensitives n’étant jamais une schizophrénie franche, mais si vous voulez la plus schizophrènes des paranoïas.

 

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On va maintenant franchir le Rhin pour s’intéresser un peu à la réception française de la schizophrénie. Parce que j’ai posé une question au départ : comment se fait-il qu’en 1950, Guiraud parle de Bleuler comme d’un phénoménologue ? Vous voyez pour le moment comme on est loin, par exemple de Binswanger, ou de Minkowski, puisque c’est par là que je vais…

Les psychiatres français d’avant-guerre, Trénel, Arnauld, Chaslin [28], ont rejeté la schizophrénie pour des raisons cliniques, terminologiques, épistémologiques. C’est un pas qu’ils ne voulaient pas franchir : l’horizon de totalité du sujet. Au contraire le « groupe » des schizophrénies est une catégorie totalisante, parce qu’elle relève d’une doctrine et d’un enseignement totalisants. Dans l’entre-deux guerre, trois types de réactions en France : 1) Minkowski et Claude, à leur manière assez charmés[29] 2) les psychanalystes Hesnard et Laforgue, très contents d’avoir leur mot à dire[30] 3) les psychiatres, très réservés à l’endroit de tableaux cliniques embouteillés – ce sera le mot de Ey, par des hypothèses psychologisantes[31]. « C’est d’Allemagne que la grande synthèse nous est venue. C’est d’Allemagne que nous parviennent les échos d’une confusion chaque jour croissante. Peut-être est-il temps de passer au crible d’un cartésianisme sans doute un peu désuet, mais dont la discipline reste nécessaire, les données de fait, etc… »[32]. Ey ne sera jamais défenseur du tout-schizophrène.

Mais le vrai passeur est Eugène Minkowski. Il a été assistant direct de Bleuler au Burghölzli en 1913-14. Bleuler mentionne sa femme Françoise Minkowska : elle est clinicienne, il est philosophe, penseur bergsonien du contact avec la réalité. Penseur d’une réconciliation possible, d’une amitié franco-allemande, d’un syncrétisme bergsonien, janétien, bleulérien, où dans une note en bas de page p. 52 du Groupe des Schizophrénies, Minkowski va trouver de quoi rêver sur la perte du contact vital. L’autisme c’est la perte du sentiment de réalité. On s’inscrit dans l’idée que la durée intime de Bergson recoupe le sens interne de Kant, et sert d’auto-affection primitive de soi dans l’élément du temps. La schizophrénie devient ainsi un trouble du centrage moi-ici-maintenant, trouble du présent qui fait le pont de soi à soi, trouble de la saisie intuitive de ce qui remplit immédiatement le champ de la conscience : « Les notions bergsoniennes nous [font] supposer l’existence de deux grands groupes de troubles mentaux : l’un caractérisé par une déficience de l’intuition et du temps vécu, et par une hypertrophie concomitante de facteurs d’ordre spatial, l’autre par un état des choses inverse », Schizoïdie, activité personnelle d’une part, et syntonie ou egosyntonie d’autre part[33]. Pichon s’occupera de la recension du livre La schizophrénie[34] et le jeune Lacan de celle sur le Temps vécu[35].

« Le schizophrène, dit Minkowski (dit Pichon dans sa recension), est désormais conçu comme pouvant guérir ». Vous voyez là, le mythe arrive en France. En Allemagne les patients guérissent. En fait ils ne sont pas guéris, ils sont morts. Or « en psychiatrie, la notion de curabilité peut avoir par elle-même une valeur curative » (p. 253), car « le fait même d’aborder « le malade comme un individu pouvant guérir, influe, sans même que « nous nous en rendions toujours nettement compte, sur toute notre attitude à son égard, influe sur le personnel, sur la famille, sur tout l’entourage, et tend ainsi à diminuer cette force hostile qu’est pour le malade la réalité, dont il s’écarte de plus en plus » (p. 251). « Recueilli de la plume même de M. Minkowski, adversaire du traitement psychanalytique des schizophrènes, cet aveu que la schizophrénie peut quelquefois guérir ôte beaucoup de forces aux positions de M. Hesnard, qui a tendance à refuser aux fous-discordants qu’a améliorés la psychanalyse le nom même de fous-discordants, parce que précisément la psychanalyse a pu les améliorer. (…) »

« M. Bleuler lui-même est d’ailleurs beaucoup plus sceptique que son élève M. Minkowski sur les possibilités qu’a la médecine de guérir les schizophrènes. Ledit M. Minkowski, dans un dernier paragraphe, indique rapidement les moyens thérapeutiques à employer contre la schizophrénie : recherche d’un contact affectif avec le malade, création de dispensaires de prophylaxie mentale du genre de celui de M. Toulouse (p. 256), placement familial (p. 257), thérapeutique par le travail (p. 251), agents médicamenteux (p. 261), enfin « analyse psychologique ».[36]

Je passe vite sur la recension de Lacan, qui solde la mésentente foncière entre psychanalyse et phénoménologie. Lacan parle de l’autisme philosophique de Minkowski, lui reproche de n’avoir pas lu Heidegger[37] (et anticipe les grandes lignes de la réponse que ce dernier fera à Binswanger en 1965[38]). Je rappelle que Minkowski, avant le Praecox Gefühl de Rümke, pratiquait tranquillement le diagnostic par intuition et pénétration. En présence des patients schizophrènes il ressent « une intuition phénoménologique, une forme d’angoisse bizarre, comme si, au contact des patients, quelque chose se brisait en moi. J’ai acquis la certitude d’avoir précisément saisi l’ensemble, de me trouver en présence du trouble générateur[39]. Vous imaginez si Lacan apprécie cet appel à l’irrationnel.

Dans les discussions qu’il aura avec lui à l’Evolution psychiatrique, ça se confirme : pour Lacan, Minkowski c’est de la mystique, de la coercition, et c’est plus proche de Martin Luther que de la clinique : « … la phénoménologie de M. Minkowski, pour demander du réel et du vivant, n’en reste pas moins très abstraite. Les « données dernières » qu’il prétend saisir sont des fins dernières dont l’expérience et la clinique n’ont que faire. C’est ainsi que le « contact vital » reste à mes yeux quelque chose d’assez inutilisable, car enfin, qui est en « contact vital » avec le monde ? (…) Ce « contact vital » ne peut avoir de sens que s’il est approfondi par la pénétration psychanalytique qui s’oppose aux démarches phénoménologiques comme le réel psychologique s’oppose au réel philosophique. M. Minkowski paraît avoir choisi comme objet de ses recherches ce dernier et pratiquer l’attitude phénoménologique comme une sorte de contemplation. Il ne s’étonnera pas que je ne puisse le suivre. » [40]

 

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Allez, je vais vers une conclusion. Entre 1949, prix Nobel de médecine pour Egas Moniz et la standardisation de la leucotomie transorbitale, et 1952, découverte par Delay et Deniker de la chlorpromazine comme tranquillisant majeur ou camisole chimique, il y a place pour Congrès des aliénistes de France de 1949[41] et le premier congrès mondial de la psychiatrie de 1950. Entre lobotomie et Largactil, la psychopathologie d’après-guerre s’offre un petit moment de pause et s’interroge sur ses racines. La délégation française, nommément Paul Guiraud, Jacques Lacan et Henri Ey, s’élève contre « l’extension envahissante du concept de schizophrénie qui tend chaque jour davantage à absorber tous les délires dans la nébuleuse schizophrénie, comme au début du XIXème siècle ils étaient absorbés dans la nébuleuse ‘mélancolie’. »[42] Ce que je pointe est combien la psychiatrie française a tenté de se démarquer de l’extension de la schizophrénie parce que ça conduit à des conceptions médicales et politiques totalitaires. Et on va finir par là.

1) Avec Bleuler la psychiatrie est entrée dans sa phase nettement projective : on traque chez le patient les mêmes défauts d’association d’idée et d’abstraction que développe en réalité le langage psychiatrique : jargon de prestige, philologie à vide, maniérisme aristocratique, bulle spéculative où est enfermé le patient, et on a vu le paradoxe d’une théorie unifiée contre le morcellement du patient – à moins que ce ne soit le contraire.

2) En matière de psychologie, le seul dynamisme qu’aura rencontré Bleuler est celui de sa propre pensée. Sa théorie de la désagrégation de la personnalité dessine une pensée du sujet défini par sa capacité à supporter le monde, ne pas déréaliser, à n pas relâcher ses associations d’idée – qui influence durablement la philosophie du sujet au XXème siècle. L’abord phénoménologique auquel Bleuler sera finalement assimilé est un couvercle de refoulement posé sur l’eugénisme réel qu’il a défendu. Le programme AktionT4 n’est certes pas de son fait, mais pas non plus une coïncidence malheureuse de l’histoire, c’est une détermination profonde de son gruppe. Du psychodynamisme de Bleuler au vitalisme nazi en passant par l’humanisme phénoménologique si vous voulez, il n’y a qu’un pas, que la cheville médico-universitaire allemande a largement franchi.

3) Dans sa période d’incubation doctrinale, Bleuler a rencontré globalement quatre types de réactions 1) les généticiens qui confirment la schizophrénie par des études sur sa transmissibilité (Rüdin, 1916) ; 2) les neurologues qui refusent la schizophrénie parce qu’elle n’est pas un concept nosologique stable mais une simple réaction ou un tempérament psychologique : schizoïde ou schizothyme (Bumke, 1924). 3) En France, le tir de barrage des psychiatres avant-guerre, repris par Guiraud et Ey, 4) les débats internes à Minkowski, Pichon, Laforgue[43], Henri Claude (conférence de Lausanne 1926) ouvrant son pavillon à Laforgue et à la psychanalyse. C’est ainsi la première génération SPP qui fait passer la schizophrénie en France, et pas toujours avec les meilleures intentions.

4) Comprendre les espoirs de guérison qu’a offerts Bleuler, est-ce que ce n’est pas étudier les traitements expérimentaux qu’il a justifiés ? Or on peut tout faire au schizophrène, puisqu’il demeure, avant comme après-guerre, identifié à la résistance. Résistance analytique : le patient est inanalysable, ne résiste pas au transfert, présente un défaut de symbolisation ou de capitonnage entraînant l’inefficacité du refoulement, c’est un martyr du signifiant, une catégorie résistante à la psychanalyse. A partir du neuroleptique il est identifié à la chimiorésistance : plus le cerveau est défini comme répondeur pharmacologique[44], plus la maladie est par définition ce qui résiste au traitement. Et plus la médecine se fait syndromique, plus la maladie devient essentiellement et ontologiquement ce qui reste.

5) Ce que je vise-là est le grand refoulement de la psychanalyse elle-même, face à sa proprecontinuation de la dégénérescence sous des masques psychopathologiques. Pichon et Laforgue, preneurs et passeurs de la schizophrénie en France, ont contribué à ancrer la théorie de la dégénérescence, pas du tout à la combattre. Aujourd’hui encore quand on parle de la « dégénérescence catastrophique de la fonction paternelle », de quoi s’agit-il d’autre que lutter contre un abâtardissement social, et promouvoir un nouveau sujet (ein Neues Subjekt et si je le dis en allemand est-ce qu’on entend mieux là où je coince ?)

 

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Ce que je trouve intéressant, c’est que les efforts de Jaspers pour installer des rapports de compréhension, de Binswanger pour penser des rapports d’amour, de Minkowski de contact vital, sont l’esthétisation de la plus grande violence refoulée qui a imposé à la schizophrénie un rapport beaucoup plus utilitariste. La fragilité du schizophrène semblait le flanc qu’il prêtait au transfert, et le rendait en quelque sorte plus aimable que le dément précoce ou le paralytique général, n’a pas tenu longtemps face au constat que la schizophrénie était sortie simplement des maladies pour entrer dans le champ des tempéraments et des réactions psychologiques, qu’en tant qu’entité morbide elle devait se référer à des lésions organiques, pour entraîner une prise en charge politique et sanitaire traitée beaucoup plus efficacement par la pratique génocidaire.

Aujourd’hui encore, à lire Raphaël Gaillard en 2018, la schizophrénie est « le prix à payer » du haut niveau de développement de l’homo sapiens[45]. Ce qui m’intéresse dans cette formulation, est que la psychiatrie la plus actuelle puisse garder sa vieille attache à la sélection naturelle à peine transformée dans un vocabulaire de banquier : il y a un prix à payer, il y a une retenue, il y a des frais de dossier, il y a de la casse dans le développement humain et la schizophrénie est un ratio. 1%.


 

 

Références

[1] E. F. Torrey et R. H. Yolken, « Psychiatric Genocide : Nazi attempts to eradicate schizophrenia », dans Schizophrenia Bulletin vol. 36 no. 1, Oxford University Press, 2010, p. 27

[2] E. Bleuler, Dementia Praecox, oder Gruppe der Schizophrenien, Leipzig und Wien. Franz Deuticke, 1911, section 8, p. 74

[3] E. Bleuler, ibid, « Sterilisation wird aber hoffentlich hier wie bei anderen koitusfähigen Trägern einer pathologischen Anlage aus rassehygienischen Gründen bald in größerem Maßstab angewendet werden können », p. 382

[4] E. Bleuler, Lehrbuch der Psychiatrie, Berlin, Verlag von Julius Springer, 1916, p. 328

[5] E. Bleuler, « … d’après un psychiatre âgé très expérimenté, ils ne seraient devenus paralytiques qu’après avoir adopté ‘les coutumes et le champagne chrétiens’ », Lehrbuch, op. cit, p. 141

[6] E. Bleuler, Lehrbuch der Psychiatrie : « Aber wenn wir nichts tun, als die geistigen und körperlichen Krüppel fortpflanzungsfähig zu machen, und die tüchtigen Stämme ihre Kinderzahl beschränken müssen, weil man so viel für die Erhaltung der anderen zu tun hat, wenn man überhaupt die natürliche Auslese unterdrückt, muß es ohne neue Maßregeln mit unserem Geschlecht rasch rückwärts gehen », éd. 1916, p. 150, éd. 1923, p. 160

[7] CTRL+F = 8 occurrences du mot Kastration dans le Traité de 1923, 2 pp. 222-223 à propos d’une patiente devenue catatonique après la castration, principalement des femmes stérilisées, p. 438 où l’on apprend que les pervers sexuels sont « incurables, en partie parce que ces patients ont réellement l’impression que leur genre de libido est la seul agréable et ont autant peur de « guérir » que la personne normale de la castration, p. 442 guérison par implantation de testicule étranger, et p. 475 sur les oligophrènes : « S’il y a une tendance aux excès sexuels, la stérilisation ou la castration peut contourner l’internement constant. » (Bei Neigung zu sexuellen Exzessen kann man durch Sterilisation oder Kastration die dauernde Internierung umgehen)

[8] Y. Ternon, « Introduction » de l’article de K. L. Binding et A. Hoche, « Libéralisation de la destruction des vies qui ne valent pas la peine d’être vécues » (« Die Freigabe der Vernichtung lebensunwerten Leben »), trad. Rita Thalmann, Revue d’Histoire de la Shoah, 2005/2 N° 183 p. 229.

[9] A. E. Hoche, op. cit. p. 259

[10] A. E. Hoche, op. cit. « Pour les lecteurs qui ne sont pas médecins, on mentionnera que, dans le premier groupe, l’état de mort mentale est atteint d’une part dans la dégénérescence sénile, puis dans les ramollissements du cerveau, la dementia paralytica ; d’autre part dans des modifications du cerveau dus à l’artériosclérose; et, finalement aussi, dans le groupe le plus important des processus juvéniles d’idiotie (dementia praecox), mais dont un certain pourcentage seulement atteint le degré le plus élevé du vide mental. », p. 257

[11] E. Fuller Torrey et Robert H. Yolken, « Psychiatric Genocide : Nazi Attempts to Eradicate Schizophrenia », op. cit., p. 26

[12] Georg Lomer, « L’élimination des malades mentaux criminels » (Die Ausmerzung geisteskranker Verbrecher), dans Die Umschau, Frankfurt. 1908, pp. 407-409.

[13] E. Kraepelin, Psychiatrie, ein Lehrbuch für Studentieren und Ärtze, t. III. IIème partie, Leipzig, Verlag von Johann Ambrosius Barth, 8ème édition, 1913, p. 968

[14] Hans W. Maier, « L’état actuel de la question de la castration et de la stérilisation sur indication psychiatrique » (« Zum gegenwärtigen Stand der Frage der Kastration und Sterilisation aus psychiatrischer Indikation »), dans Archives suisses de neurologie et de psychiatrie, Zürich, Druck und Verlag, Art. Institut Orell Füssli, 1926, pp. 355-356.

[15] E. Bleuler, Gruppe der Schizophrenie, op. cit., « L’autisme est à peu près la même chose que Freud appelle l’autoérotisme » (« Autismus ist ungefähr das gleiche, was Freud Autoerotismus nennt »), p. 52

[16] Je ne résiste pas à vous citer Krafft-Ebing à propos du langage hébéphrénique, cité par Dublineau dans « Signification psychopathologique de la schizophrénie » dans Evolution Psychiatrique, 1935, fascicule 4, p. 43 : « Evolution insipide et pleine de phrases pompeuses et vides, avec une fréquence pour les termes précieux empruntés aux langues étrangères, aux classiques, pour les grands mots, incapacité d’exprimer une idée sous une forme concise, précise, constitution illogique et étrange des phrases ». C’est-à-dire tout ce qui énervera Chaslin à propos du nouveau style…des psychiatres.

[17] E. Kraepelin, Lehbuch, 6ème éd. p. 148-149, 1899, Ambrosius Barth

[18] E. Kraepelin, Lehrbuch, 8ème éd., op. cit., « Aus diesem Grunde habe ich bisher die hier in Betracht kommenden Krankheitsbilder unter dem einheitlichen Namen der Dementia praecox beschrieben, und auch Bleuler hat sie sämtlich in seine ,,Gruppe der Schizophrenien“ aufgenommen, ohne eine weitergehende Zerlegung dieser Gruppe zu versuchen. », p. 667.

[19] Toute la doctrine de Bleuler commence par A : Associations, Affectivité, Ambivalence, Autisme, et la liste des a-privatifs…

[20] E. Bleuler, Gruppe der Schizophrenien, op. cit, p. 194-196

[21] J. Falret, « La folie raisonnante, ou folie morale, est-elle une forme ou une variété spéciale de maladie mentale, ou bien n’est-elle qu’une réunion artificielle de faits disparates, dans laquelle il faut chercher à découvrir des groupes plus naturels », dans AMP, Séance du 8 janvier 1866, p. 425-426. C’est la première fois en France où l’on parle d’un groupede patients au sens d’un fourre-tout empirique dont on cherche le critère. Le débat de 1866 sur les « folies raisonnantes » rassemble des pathologies liées seulement par la préservation de la lucidité (exaltation maniaque, folie hystérique, hypocondrie morale, maladie du doute, etc.).

[22] E. Rüdin, « Zur Vererbung und Neuentstehung der Dementia praecox, » dans Studien über Vererbung und Entstehung geistiger störungen,

[23] U. H. Peters, « Ernst Rüdin – ein Schweizer Psychiater als ’Führer’ der Nazipsychiatrie – die ‘Endlösung’ als Ziel, dans Fortschritte der Neurologie – Psychiatrie 1996; 64(9): 327-343 et G. Kösters (collectif), « Ernst Rüdin’s Unpublished 1922-1925 Study “Inheritance of Manic-Depressive Insanity” : Genetic Research Findings Subordinated to Eugenic Ideology », et Michael Yudell « Ernst Rüdin and the State of Science », dans PLoS Genetics. 2015 Nov, n°11(11)

[24] G. W. Schimmelpenning « Oswald Bumke (1877-1950) – His life and work », dans History of Psychiatry, IV (1993), p. 489

[25] O.  Bumke « Die Auflösung der dementia praecox », mars 1924, Klinische Wochenschrift Jahrgang nr. 11, lu au congrès des psychiatres et neurologues allemands 28 oct. 1923

[26] Karl Wilmanns, Zur Psychopathologie des Landstreichers. Eine klinische Studie, 1906, Leipzig, Verlag von Johann Ambrosius Barth. Critique de Hitler dès le début, démis de ses fonctions à la clinique de Heidelberg en 1933, travaille sur les sans-abris, opposé à l’euthanasie. A noter que Bumke lui fait dire le contraire de ce qu’il dit…

[27] H. Ey, « La notion de constitution – essai critique », dans l’Evolution psychiatrique, IV, 2ème série 4, 1932, pp. 25-54, p. 44

[28] Trénel, « La démence précoce ou schizophrénie d’après la conception de Bleuler », Revue neurologique, octobre 1912, pp. 372-383 ; Arnauld, « L’anarchie psychiatrique », dans L’encéphale, 10 août 1913, n°8, p. 106 à 116, et Philippe Chaslin, « La ’Psychiâtrie’ est-elle une langue bien faite ? », dans Revue neurologique, 1914, t. I, pp. 17 à 24

[29] H. Claude, A. Borel, G Robin, « Démence précoce, schizomanie et schizophrénie », dans l’Encéphale 1924, p. 146-151

[30] A. Hesnard, R. Laforgue, « Contribution à la psychologie des états dits schizophréniques », dans l’Encéphale,1924, p. 46

[31] P. Guiraud, H. Ey « Remarques critiques sur la schizophrénie de Bleuler », dans AMP, séance du 29 mars 1926, pp. 355

[32] H. Ey, « Position actuelle des problèmes de la Démence précoce et des Etats Schizophréniques », dans Evolution psychiatrique, fasc. 3, 1934, p. 3-24.

[33] E. Minkowski, Le temps vécu, (1933), Quadrige, 1995, pp. 271-273

[34] E. Pichon « Minkowski : La schizophrénie », dans RFP 1927, 1, n°4, pp. 764, sqq.

[35] J. Lacan, « Psychologie et esthétique », dans Recherches philosophiques, 1935, fac. 4, p. 424-431

[36] E. Pichon, op. cit, p. 779

[37] A la note 1 page 16 du Temps Vécu, Minkowski note : « Mes propres recherches étaient déjà très avancées quand j’ai eu connaissance du livre de M. Heidegger, de sorte que je n’ai pas pu approfondir suffisamment ses idées, pour les mettre en relief ici et discuter les points communs ou les divergences qui pouvaient exister entre nous ».

[38] M. Heidegger, Séminaire du Zollikon, séance du 8 mars 1965, pp. 260 sqq.

[39] E. Minkowski, « Phénoménologie et analyse existentielle en psychothérapie », dans L’évolution Psychiatrique 1948, n°13, pp. 137-185.

[41] Congrès des médecins aliénistes neurologistes de France et des pays de langue française, Paris, Masson, 1949

[42]J. Lacan et H. Ey, Premier congrès mondial de psychiatrie (Paris, 18-27 septembre 1950), Paris, Hermann, 1952, « Discussion », p. 49

[43] … lequel trouvait Pichon schizophrène, cf. V. Muni-Toke, La grammaire nationale selon Damourette et Pichon. L’invention du locuteur, Lyon, ENS Éditions, coll. « Langages », 2013, note 19 du chap 2 : « Le 23 août 1954, Laforgue écrit dans son Journal : « Mon ami Pichon a été le seul à m’encourager vraiment aux heures difficiles, et j’hésitais parfois à accepter l’aide qu’il m’apportait, car elle m’était offerte par un schizophrène. Pichon en effet était schizophrène comme sa mère, comme son oncle, et je le savais. Cela explique pourquoi j’ai toujours essayé de monter une garde vigilante à la ligne de démarcation entre la réalité et la folie. Mais enfin c’était à Pichon seul que je pouvais apporter les rêves de mes malades que je ne comprenais pas et dont le monde lui semblait familier. Et pour cause…” »

[44] J. Collard, Méthodologie en psychopharmacologie clinique, Paris : Masson, 1973, p. 16. note de bas de page : « Répondeur : néologisme (1963) ; admis pour ‘un appareil’, adopté ici pour l’homme ».

[45] R. Gaillard, L. Berkovitch, J-P. Olié : « La schizophrénie, une affaire de société », Bull. Acad. Natle Méd, séance du mardi 30 janvier 2018 : « En ce sens, elle pourrait constituer le prix à payer du haut niveau de fonctionnement psychique propre à l’homo sapiens », « Therefore, schizophrenia could be the price homo-sapiens pays for high level cognitive skills he acquired during evolution. »